Ça y est, 2016 se termine et l'heure des bilans arrive enfin. C'est peu dire que l'année fut riche en émotions, partagée entre son cortège de grandes pertes et ses retours flamboyants, une année également remplie de surprises, de belles promesses, de confirmations. Une année qui a aussi son lot de déceptions : Aphex Twin, Preoccupation, Tortoise, De La Soul, Ryley Walker pour n'en citer que quelques unes. Enfin il y a ces albums qui paraissent à la fin du mois de décembre, comme la sortie surprise du Run The Jewels 3 le jour de Noël ou le coffret 6 x CD Elapsed Time du maître du drone Kevin Drumm, et sur lesquels on a pas trop le temps de se pencher entre notre tartine de foie gras et notre verre de Gewurztraminer. Bref, voilà un petit bilan de ce qui nous a emballé en 2016, soit des albums qui pour la plupart se suffisent à eux-même et ne dialoguent avec aucun autre. Un grand merci à ceux qui ont alimenté le site cette année, et on se donne rendez-vous en 2017 pour de nouvelles aventures musicales.
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Chant du cygne :
David Bowie : Blackstar
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L'année 2016 fut tristement marquée par de nombreux décès marquants (Prince, Billy Paul, Leonard Cohen et tant d'autres) mais celui de David Bowie fut différent. L'artiste a disparu seulement 2 jours après la sortie de son dernier album Blackstar - et de son 69ème anniversaire -, rendant instantanément celui-ci oeuvre posthume au moment même où il était déjà une grande oeuvre couronnant un grand oeuvre. L'oeuvre impressionne également pour son intégrité qui, par la radicalité de son geste, renvoyait notamment aux derniers albums tourmentés de Scott Walker. Sorti début janvier, Blackstar est l'ultime métamorphose de l'homme caméléon, une dernière transformation que l'on attendait malheureusement pas si tôt. Enfin Blackstar est cette étoile n'ayant cessé d'illuminer de sa noirceur funeste une année musicale placée en partie sous le signe de la grande faucheuse. Une page se tourne.
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Femmes de caractère :
Solange : A Seat at the Table / Jenny Hval : Blood Bitch / PJ Harvey : The Hope Six Demolition Project
Si tout les oppose a priori, ces trois artistes ont cependant livré chacunes des albums-concept d'une remarquable cohérence. Avec A Seat at the Table, l'américaine Solange - petite soeur de Beyoncé - nous a présenté un manifeste personnel sur le racisme ordinaire anti-Noirs enduré dans son pays (Don't Touch My Hair). L'album, miraculeux, est emprunt d'une chaleur (new) soul qui le sublime de tous les pores. Changement de température et de programme avec la cold wave revisitée par la norvégienne Jenny Hval confèrant une certaine froideur à son Blood Bitch, album intime et dérangeant dont le concept tourne autour du sang, traité ici à toutes les sauces, entre vampirisme et menstruation. On ne présente plus PJ Harvey, son album The Hope Six Demolition Project nous a d'abord un peu déçu, le disque semblait être une version bis de son prédécesseur, le beau Let England Shake de 2011, tout en renforçant son univers musical atypique ainsi que son propos politiquement utopiste. Puis l'album a poursuivi son chemin au fil des écoutes pour finalement gagner une ampleur quasi magistrale lors de son concert du We Love Green Festival, vécu les pieds dans la boue mais la tête dans les étoiles. Comme quoi, il suffisait de voir l'artiste sur scène pour revoir à la hausse ce magnifique dernier cru de cette grande dame du rock anglais.
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Retour au sommet :
The Avalanches : Wildflower / A Tribe Called Quest : We Got It From Here... Thank You 4 Your Service / Radiohead : A Moon Shaped Pool
Quelques retours improbables ont traversé 2016, surtout deux - The Avalanches et les cultissimes A Tribe Called Quest - partageant une forme d'anachronisme avec l'époque que nous vivons, refusant la modernité au profit d'un savoir-faire ancestral brillant encore de mille feux. Après le merveilleux et dansant Since I Left You, Widlflower est ainsi une nouvelle orgie musicale où tous les sons se téléscopent dans un grand jacuzzi psychédélique aux couleurs pop chatoyantes. Ensuite We Got It From Here... Thank You 4 Your Service est de son côté un classique instantané de hip-hop old school en pleine force du troisième âge. Post-13 novembre et pré-Donald Trump, l'album est servi par des featuring quatre étoiles (Busta Rhyme, Kendrick Lamar, Andre 3000 d'Outkast, Jack White) et a hélas été marqué par la disparition d'un de ses membres, Phife Dawg, lors de la fin de son enregistrement. Quant à Radiohead, ils ont eux aussi prouvé qu'un groupe jadis au sommet peut y revenir aisément, même après plus de 20 ans de carrière, seulement cela peut prendre du temps. Il faut dire qu'avec tous les side-project de ses membres, la formation anglaise est aujourd'hui une créature qui se déplace lentement (Go Slowly écrivaient-ils en 2007). Le projet d'une pop classieuse et symphonique jouant la carte de la force tranquille avait pourtant de quoi faire peur mais voilà, A Moon Shaped Pool est ce disque d'une beauté impérissable et d'une complexité rendue invisible par ses auteurs. Le genre d'album que l'on continuera à chérir longtemps.
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Albums faussement mineurs :
Wilco : Schmilco / Chris Cohen : As If Apart
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Il y a parfois ces albums qui adhèrent tout de suite et perdent ensuite de leurs saveurs au fil des écoutes, puis il y a ceux qui ne payent pas de mine à la première découverte pour gagner progressivement de la valeur, comme ces vins se bonifiant avec le temps. Les albums de Wilco et de Chris Cohen n'appartiennent ni à l'un ni à l'autre, partageant tous les deux un goût prononcé pour le songwriting de haute tenue derrière leurs aspects lo-fi. Entre la pop folk sans fioriture des premiers sur Schmilco et la pop psyché so sixties du second sur As If Apart, les deux disques viennent surtout comme des confirmations. Cinq ans après le génial Overgrown Path, le californien Chris Cohen a proposé un disque identique c'est-à-dire une petite collection de chansons miraculeuses. Quant à Wilco, déjà auteurs d'une poignée de classiques de pop-rock alternatif (Summerteeth, Yankee Hotel Foxtrot ou plus récemment The Whole Love), ils confirment une énième fois qu'ils sont un grand groupe, et sans trop se forcer.
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Hip-Hop-A-Lula :
Vince Staples : Prima Donna / Dälek : Asphalt For Eden / Kendrick Lamar : Untitled Unmastered
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Le Hip-Hop ne fut pas en reste cette année non plus chez les américains. Après son double album flamboyant Summertime '06 paru l'année dernière, Vince Staples et son flow nasillard enfonça le clou avec Prima Donna, un EP efficace, inspiré et légèrement expérimental. Un must confirmant la place à part que tient le jeune rappeur. On s'éloigne encore plus du rap mainstream avec le retour du trio Dälek qui, après 7 ans d'absence, ressort de son silence avec un de leur meilleurs albums. Asphalt For Eden donne au Hip-Hop de nouvelles sonorités en allant puiser d'une part dans la brutalité froide de l'indus et d'autre part dans les nappes de larsens du shoegazing. Autant dire que le voyage ne se fait pas sans dommages auditifs. On avait ensuite peur qu'après un album de la trempe de To Pimp A Butterfly, album célébré à l'excès, Kendrick Lamar prenne la grosse tête mais Untitled Unmastered est vite venu nous démontrer le contraire. Constitué de chutes de studio issues de son prédécesseur sans être retouchées (ou si peu). le rappeur californien retrouve ici une certaine authenticité do it yourself qu'il avait perdu après l'excellent Section 80 (2011) tout en gardant l'éclectisme de T.P.A.B. où soul, G-funk, pop, jazz et d'autres choses encore se côtoyaient sans accroc. Et le résultat est bluffant.
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Jeunes pousses :
Car Seat Headrest : Teens of Denial / Ulrika Spacek : The Album Paranoia
Ecrit par un jeune d'à peine 23 ans, Will Toledo, Teens of Denial aura été la claque rock de 2016 laissant espérer une relève qui nous fera vibrer, comme avant lui les premiers albums prometteurs d'Arcade Fire (Funeral, 2004) ou des Strokes (Is This It, 2001). Cependant, derrière son ambition et son sens de la composition à tiroirs, l'album n'est pas exempt de défauts propres à la jeunesse tel ces quelques boursouflures ainsi que ce besoin de vouloir tout mettre et tout donner là où un certain tri dans les chansons aurait été le bienvenu. Mais cette impression est vite balayée face à l'odyssée rock hors-norme qu'est The Ballad of Costa Concordia. Prometteurs eux-aussi, Ulrika Spacek, nom d'un quintet britannique à trois guitares n'ayant aucun lien de parenté avec la précieuse actrice de Badlands et Carrie, ont sorti en début d'année un excellent premier album aux références noisy rock et shoegaze assez aguicheuses. Pensez bien qu'un disque qui commence comme du Deerhunter pour finir comme du Radiohead période OK Computer tout en flirtant avec des ambiances krautrock, stoner et sonic youthiennes ne peut laisser indifférent le friand d'indie rock sommeillant en nous. Le groupe n'a peut-être pas encore trouvé sa personnalité derrière ses belles influences mais on espère que ça viendra par la suite. Deux groupes à suivre de près donc.
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Et le post-rock dans tout ça :
Radian : On Dark Silent Off / Monkey Plot : Here I Sit, Knowing All of This / Matt Christensen : Honeymoons
L'année 2016 avait pourtant mal commencé avec The Catastrophist, album quelque peu molasson de Tortoise, groupe pourtant passionnant et soit-dit-en-passant pionnier du post-rock, puis ce fut l'encéphalogramme plat une grande partie de l'année. Il aura fallu attendre cette fin d'année pour entendre quelques beaux albums réveillant chacun à leurs manières notre intérêt pour ce genre aujourd'hui déclinant car devenu trop prévisible. Fidèles à eux-même, les autrichiens Radian ont livré un album maîtrisant à la perfection les sonorités qu'ils ont instauré au fil de leur discographie, il s'agit d'un choc de particules entre les instruments et la programmation électronique, l'un dévorant l'autre et vice versa. Inconnus au bataillon, les norvégiens Monkey Plot ont quant à eux sorti une leçon d'indie rock aux légers contours jazz qui cependant parlera plus aux fans de Sonic Youth qu'aux amateurs du post-rock cuivré de Do Make Say Think. Enfin Matt Christensen, membre de Zelienople, s'est toujours intéressé à la part la plus planante du genre, Laughing Stock de Talk Talk et le groupe Labradford en tête, et nous a offert plus d'une dizaine d'albums numériques ainsi que cet abyssal Honneymoons.
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La danse des électrons :
Autechre : Elseq 1-5 / Huerco S. : For Those Of You Who Have Never (And Also Those Who Have) / The Field : The Follower
On ne l'attendait pas forcément dans une telle forme olympique mais le duo Autechre, fondateur et maître du genre IDM depuis plus de vingt ans, ont livré cette année un opus magnum. Elseq 1-5 est un album monstrueux de par sa quantité (5 disques et plus de 4 heures), son ambition titanesque et sa dimension tellement autre qu'elle nous empêche encore d'écrire quoique ce soit de réellement pertinent dessus. Surtout que plus de 7 mois après sa sortie, on est encore loin d'en avoir fait le tour et d'en avoir saisi toutes les subtilités. Chronique prévue pour 2022. L'autre album dont on ne semble pas avoir fait le tour est celui de Huerco S., un album qui voit la techno house du producteur américain Brian Leeds se délester - à l'exception du morceau Kraanvogel - de tout son poids pour ne devenir qu'un disque de magnifiques berceuses kosmische aux aspérités granuleuses. L'album, résolument ambient, s'intéresse ainsi moins aux rythmes et aux mélodies de ses compositions qu'à ses textures, ce fameux grain les nourissant en creux. C'est très beau et on ne s'en lasse toujours pas. La techno house minimale qu'Axel Willner compose sous le nom de The Field est quant à elle toujours aussi hypnotique et son The Follower reste un long trip technoïde et hallucinatoire en six parties imposantes.
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Bonjour l'ambiance :
Willamette : Diminished Composition / Solo Andata : In The Lens / Western Skies Motel : Settlers
Quelques albums ambient ont retenu notre attention cette année. En attendant peut-être un nouvel album de Stars of the Lid en 2017 (la référence n°200 manquante du label Kranky), Willamette nous a donné la version dite "diminuée" de ce que compose le fameux duo sus-cité, mais cette diminution se fait seulement dans la durée car l'ampleur immersive de ses morceaux semble, elle, s'étendre à l'infini. Le duo formé par Kane Ikin et Paul Fiocco sous le nom Solo Andata mélange du field recording et des sonorités doucement électroniques à une instrumentation plus classique comprenant guitare, batterie et piano. Ils font finalement ce que beaucoup de duo de la sphère ambient font déjà, mais ils le font très bien. Un peu à la manière de l'album de Willamette et contrairement à son prédécesseur, l'éponyme Solo Andata en 2009, In The Lens présente des miniatures de courtes durées toutes plus belles les unes des autres. Enfin ce sont quelques effets discrets et une guitare acoustique au spleen léger, comme l'est parfois le piano de Sylvain Chauveau, qui font toute la beauté de l'album de Western Skies Motel, rappelant le fameux adage "less is more".
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Témoin A :
1/ Ondubground – Addvice
2/ Ubikar – Altitude.Zero
3/ Feldub – Machine
4/ 18h15 – Okänd
5/ Straybird – In Transit
Guillaume C :
Radiohead - A Moon Shaped Pool
David Bowie - Blackstar
Damien Jurado - Visions of Us on the Land
Hope Sandoval - Until the Hunter
Iggy Pop - Post Pop Depression
Antony D :
Ulrika Spacek
Suuns
Autolux
Cross Record
Cold Pumas
Danny Brown
Vince Staples
A Tribe Called Quest
Isaiah Rashad
Charles X
Not Waving
Pangaea
Bajram Bili
Lakker
UVB76
Yvan :
1- Facteur Sauvage "S/t"
2- Golden Dawn Arkestra "Stargazer"
3- Rats On Rafts & de Kift "s/t"
4- Chouette "You Don't Know Why You Run"
5- Meta Meta "MM3"
6- Carla Del Forno "You Know What It's Like"
7- Raoul Sinier "Descente"
8- La Coka Nostra "To Shine Own Self Be True"
9- Gregor Tresher "Quiet Distorsion"
10- The Ghost Of 3.13 "There Once Was beauty"
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