Présenté un peu partout comme le premier album solo de Kim Gordon à l'âge de 66 ans, l'ancienne membre de Sonic Youth a pourtant développé en parallèle du quator new yorkais quelques projets collaboratifs et personnels loins d'être inintéressants. Ainsi la dame piocha tantôt dans le lo-fi avec Free Kitten dans les années 90, tantôt dans l'expérimentation arty avec le duo Body/Head (formé après la séparation du groupe avec son ami Bill Nace) ou le quasi imbitable SYR5 (2000) avec la batteuse Ikue Mori, sommet d'étrangeté dans sa carrière.
On retrouve dans No Home Record cette même dichotomie faisant de cet album un objet bigarré difficile à appréhender puisque oscillant entre sonorités directement reconnaissables et excentricités absconses laissant pour certaines (Paprika Pony) quelque peu sur le carreau. Ainsi l'album est une virée nocturne et urbaine délivrant d'une part de purs brûlots de rock noisy comme Air BnB et ses guitares no wave, Hungry Baby ou l'imparable Murdered Out) et assénant d'autre part l'auditeur de coups aussi tordus que destructurés : le rouleau compresseur Cookie Butter renvoyant à des jeunes artistes noise-indus telles que Pharmakon et Puce Mary ou encore l'oscur finale dronesque Get Yr Life Back et ses résonnances métalliques.
La voix de Kim Gordon reste glaçante voire malaisante tout du long et propage le plus souvent son venin de femme fatale sous la forme légère de spoken words entre hargne et susurrement (on pense parfois à Contre le Sexisme). Le morceau d'ouverture Sketch Artist (ci-dessous) se détache peut-être du reste dans la mesure où il réussit à réconcilier les facettes noisy et arty du projet en un maelström tonitruant diablement efficace. No Home Record emprunte son titre au dernier film de la regrettée Chantal Akerman (No Home Movie), influence majeure de Gus Van Sant notamment pour sa sublime trilogie de la mort (Gerry, Elephant et Last Days dans lequel Kim Gordon avait justement un petit rôle). De ces deux univers que tout semble opposer, on peut comprendre le lien qui pourtant les rapproche : un goût certain pour la radicalité formelle. Mais si No Home Movie constituait le film ultime de la cinéaste belge, on espère que ce No Home Record naviguant entre fascination et certes, parfois, irritation, ouvre encore des portes plutôt qu''il n'en ferme. La vieillesse sonique n'est pas encore un naufrage.
Chroniqué par
Romain
le 12/10/2019
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