Peu se risqueront sans doute à parler de musique. Il sera plus confortable de débattre de la façon dont le groupe fait la nique au système en court-circuitant le réseau standard de production et de distribution des disques. Pour ceux qui ne le sauraient pas encore – on se demande où ils pouvaient bien être – l'album est disponible en téléchargement quasi-gratuit sur un site dédié. Radiohead, groupe intègre.
Il sera aussi plus facile de discuter du message militant chanté sur scène et revendiqué en interview par Thom Yorke. Après les objurgations de Hail to the Thief contre la politique de Bush, In Raibows met plus que jamais en avant une fibre écolo ; le titre est explicite. Radiohead, groupe engagé.
Quid de Radiohead, groupe de musique ? Si jusqu'à présent il était aisé d'analyser l'œuvre en terme d'excellence pop/rock et de rupture électro-expérimentale, ce sixième album sonne comme une révolution. Pas une révolution formelle – celle-ci a déjà eu lieu au moment de Kid A – mais un changement radical dans l'intention. Il ne s'agit plus d'essayer de relever la barre avec un nouvel opus encore plus brillant que les chefs d'œuvres passés. La démarche est au contraire plus modeste. Radiohead vise ici une beauté claire et immédiate, en opposition à l'esthétique complexe des albums précédents.
Débarrassée d'une prétention marmoréenne et des tentations électroniques de son leader, la bande joue à nouveau comme un groupe de rock. Il n'est heureusement pas question d'une régression vers la pop légère de Pablo Honey. Les compositions de Thom Yorke semblent avoir définitivement abandonné les structures couplets/refrain pour déployer des formes plus subtiles, parfois en ruptures : la très belle conclusion de Jigsaw Falling Into Place et surtout le sublime retournement médian qui transforme le hit rock Bodysnatchers en une épopée de guitares galopantes.
In Raibows est un album liquide, aux antipodes du side project tout en force de Thom Yorke, The Eraser. C'est une mer calme d'arpèges de guitares, de nappes de violons et de symphonies de choeurs, d'où découle une musique sereine, habitée voire apaisée (Faust Arp, House of Cards). Le groupe n'en perd pour autant pas son identité. Le final de Weird Fishes/Arpeggi retrouve l'angoisse haletante de Hail to the Thief, et dans 15 Step résonnent les échos rythmiques du diptyque Kid A/Amnesiac. Mais si nous devions raccrocher dans son ensemble ce nouvel album à une période antérieure, ce serait plutôt à celle de The Bends/OK Computer.
Au final, même si des titres comme Nude et All I Need démontrent une grande maîtrise, le plus stupéfiant est sans aucun doute Reckoner. Accompagnée par une section rythmique d'une finesse exceptionnelle, le chant chaud et rond, comme il ne l'a jamais été, s'appuie sur une guitare discrète et des volutes de violons pour donner naissance à un petit miracle musical, d'une authenticité et d'une profondeur rarement égalée chez ce groupe.
Radiohead, plus grand groupe de rock au monde ? La question ne se pose plus en ces termes aujourd'hui. Il était temps.
Chroniqué par
dfghfgh
le 09/11/2007
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