Alors, ce serait ça, la nouvelle tendance : signer des groupes rock sur des labels electro ? Et, par là même, faire, disons, de Warp, le label de
Maximo Park ? L’époque serait donc à la stratégie de diversification. Est-ce bien ça ?
Oui.
Et non.
Avec
Mobius Band, le label Ghostly Int’l n’aura signé ni un groupe de pop-rock ni un groupe d’electro qui lorgneraient tous deux vers un monde qui leur serait étranger. Sur fond de fantasme de rockstar assassinée, morte d’une mort sans honneur ni gloire (
Radio Coup et son cinglant : "Mick Jagger shot in the back"),
Mobius Band mélange électronique et guitare électrique, créant ainsi des textures suffisamment inédites pour que la musique ne soit réductible ni à de l’electro ni à du pop-rock (
Detach).
Différemment bien que dans le même esprit, l’introduction et les couplets d’avant le refrain de
Close the door accordent à la guitare un rôle percussif en tant qu’elle est associée à la boîte à rythmes et, dans le même temps, celle-ci assume une fonction mélodique en tant qu’elle est associée à un synthétiseur. Au moment de reprendre le couplets d’après le refrain, la guitare retrouve sa dimension classique de faiseur-de-chansons alors qu’elle n’était auparavant qu’un élément d’une texture complexe. Il ne faut pas considérer cette « normalisation » progressive de la guitare comme une faillite de la musique, mais comme une nécessité qui s’impose pour construire des chansons pop.
S’affirme alors clairement une complémentarité entre instruments électroniques et instruments rock. Aussi bien
The loving sounds of static que
Philadelphia, la première mettant l’accent sur le rock et la seconde sur l’electro, les chansons montrent la vacuité des oppositions entre genres musicaux. Loin de dégager des singularités, ces oppositions appauvrissent nos conceptions et nos manières d’entendre la musique. Si ces oppositions existent, elles procèdent de choix artistiques, non de nécessités internes à la technologie. Or, en matière de choix artistiques, le champ des possibles semble pouvoir s’étendre à l’infini. Du moins, c’est ce que
Mobius Band a l’audace de croire.
The loving sounds of static n’est pas sans ressemblances avec certains groupes pop-rock à la mode, c’est certain, mais il est tout aussi certain que cet album les surclasse en efficacité, en variété et en intelligence.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 16/09/2005