L'ami Thom Yorke le déclarait récemment ; il se verrait bien ne plus produire avec sa bande que des EP, maxis, 12", courts-formats, singles... Appelez ça comme vous voulez.
Alors étudions ce que ça donne en 2004, un EP d'un des derniers super groupes du rock, j'ai nommé,
Radiohead.
Com Lag, à l'origine sorti uniquement au Japon mais en import chez nous (stratégie d'EMI pour faire monter le buzz ?), débute avec une version inédite de
2+2=5, qui ouvrait leur dernier album,
Hail to the Thief. Cette déclinaison live est noyée dans les reverb fantomatiques qu'on a connu sur
Kid A notamment, et change ainsi l'hymne immédiat en dérive expressionniste, gardant l'énergie de l'original mais libérant un espace permettant aux guitares de s'octroyer une liberté rageuse, pour finir sur un magma sonique enfiévré.
Christian Vogel (
Super_Collider) emmène ensuite un Thom oppressé sur
Remyxmotasis. Dans une transe bancale sur fond de bruits concrets, c'est un travail intéressant qui semble pousser l'idée obsessionelle de la chanson dans les derniers retranchements du format. Le jeu se calme avec le sensible
I Will (L.A version), présenté sur le mode d'une ballade urbaine ambiguë.
Paperbag Writer est une curiosité grise, sans doute née d'expérimentations entre basse, boîte à rythme et samples (larsen, cordes graciles). Avec
I Am a Wicked Child,
Radiohead prouve une nouvelle fois que son extraordinaire talent est tout terrain, en servant la mélodie berçante du refrain dans un registre quasi-country, sans abandonner la singularité qui leur est propre.
I Am a Citizen Insane est une autre déclinaison de climats rêveurs, habillé d'une douce poésie, venue de la répétitivité des kicks discrets et autres textures cycliques.
Four Tet, reconnu pour son electronica douce et bucolique, applique son talent à tisser un écrin asynchrone mais nuancé à
Skatterbrain, où les erreurs et la déconstruction résonnent comme une boîte à musique rouillée et enchanteresse.
Gagging Order est une pièce dépouillée, guitare sèche et chant, pour rappeler comment les dernières trouvailles de production du groupe n'on pas diminué sa capacité à raconter des histoires dans le plus simple apparat instrumental. Même démonstration sur le live de
Fog, au piano, un conte vocal absolument sublime, un vrai moment intemporel enregistré pendant la dernière de l'émission d'Arte, "Music Planet 2Nite". Le disque pourrait s'arrêter là, laissant l'auditeur bouleversé, mais c'est avec le baroque
que s'achève ce recueil, nous laissant sur les genoux à la disparition de l'atmosphère subliminale.
Cette réunion de faces B et de remixes marque la fin du contrat avec EMI, en même temps qu'un futur objet de culte pour les collectionneurs. Radiohead est désormais définitivement titulaire d'une routine de pop songs constantes dans leurs qualités, parfois terrassantes de sensibilité. Radiohead, qui s'essaie aux expérimentations, avec tantôt un certain talent technique, tantôt un vrai génie intuitif pour retranscrire par ce biais les mêmes émotions universelles. Radiohead, plus libre que jamais. Radiohead dont le potentiel, avec un tel champs de possibles, fait presque peur. L'avenir leur appartient.
Chroniqué par
Guillaume
le 15/06/2004