Il semblerait que la tant redoutée pression suscitée par "l'étape du second album" n'atteigne pas certains groupes. C'est le cas du trio américain Horsegirl qui, trois ans après un sauvage Versions of Modern Performance lorgnant frontalement du côté de l'indie-rock et du shoegaze, fait exploser toutes nos attentes en choisissant sinon la voie de la sagesse, du moins celle de l'anti-spectaculaire. Nul besoin en effet de faire décoller sa musique lorsque celle-ci plane d'emblée au-dessus de la mêlée.
Sans doute qu'il suffit pour cela d'être naturellement authentique sans se forcer à l'être, sans doute aussi qu'il suffit d'avoir tout simplement bon goût. Autant dire que Horsegirl a très bon goût puisque dans What's In My Bag?, émission américaine dans laquelle les artistes invités évoquent leurs influences musicales plus ou moins enfouies, les trois jeunes rockeuses originaires de Chicago citaient quelques classiques comme The Sparks, Alice Coltrane et Brian Eno, mais également les cultissimes Sonic Youth (Evol) et Unwound (New Plastic Ideas). L'attachement est déjà total mais Horsegirl citait par ailleurs trois formations plus confidentielles ayant certainement façonné inconsciemment les compositions de ce nouvel album quasi primitif.
La première, Liliput (anciennement nommée Kleenex avant une attaque en justice de la marque), est un groupe suisse connu pour être l'un des premiers groupes de punk rock féminin avec The Raincoats et The Slits. On retrouve chez Horsegirl cette même fraîcheur du punk à ses débuts ainsi que ce goût pour les sonorités solaires et les onomatopées joyeuses en "wouhou" ou en "lalala" (Rock City, Switch Over et I Can't Stand To See You). La seconde, Young Marble Giants, avait marqué les esprits par sa pop lo-fi hyper minimaliste à travers son unique album Colossal Youth (1980) et ce Phonetics On and On semble s'inscrire dans une certaine filiation puisque se substitue à l'électricité débordante de leur premier album une forme de retenue bricoleuse (Julie) magnifiée par la production sensible de Cate Le Bon. Enfin la troisième, The Feelies, irrigue également cet album qui reproduit parfois à sa manière le post-punk répétitif et addictif de Crazy Rhythms (2468) mais aussi les chansons plus pastorales de The Good Earth (Frontrunner).
S'il fallait citer un quatrième groupe génial auquel rattacher aujourd'hui la musique de Horsegirl, cela serait probablement Yo La Tengo (Sport Meets Sound) pour cette indie-pop aux doux accents velvetiens (Where'd You Go?). On souhaite en tout cas la même longévité à ces trois filles dans le vent, ce qui ne serait pas si étonnant tant celles-ci semblent déjà avoir trouvé la recette miracle de la jeunesse éternelle.
Chroniqué par
Romain
le 16/02/2025