Il faut remonter à 2016 pour lire dans nos pages un texte abordant l'œuvre de Christian Fennesz (It's Hard For Me To Say I'm Sorry, disque conçu avec l'américain Jim O'Rourke), et le dernier album sorti sous son propre nom évoqué ici remonte même à 2008 (Black Sea) soit une éternité. Mosaic marque donc le retour dans nos lignes de ce compositeur autrichien qui fut au début des années 2000 l'une des figures les plus emblématiques de la musique électronique dans sa veine majoritairement ambient, l'une de celles m'ayant soit dit en passant initié à ces musiques de pur lâcher-prise via de formidables albums tels que Endless Summer (2001) ou encore Cendre (2007) en collaboration avec le regretté pianiste japonais Ryuichi Sakamoto.
Partiellement noyé dans la masse de tout ce qui peut se faire aujourd'hui en matière de drone-ambient, de modern classical, de field recording et plus généralement de musiques instrumentales à la fois exploratrices et sensorielles, Mosaic agit d'abord comme une madeleine de Proust renouant avec le passé. L'inaugurale Heliconia évoque l'ambient aqueux de son album Venice (2004) et débouche dans sa seconde partie sur un magnifique scintillement de sonorités métalliques légèrement parasitées par quelques glitch dont Fennesz a le secret. La magie opère toujours et continue d'opérer largement sur les deux compositions suivantes qui témoignent s'il fallait en douter de la bonne forme actuelle du compositeur et de sa capacité à encore émouvoir.
Love and the Framed Insects et Personare semblent extraites d'un film de science-fiction que l'on imagirait bien post-apocalyptique à la manière d'un Blade Runner, la première proposant des nappes électroniques granuleuses et désenchantées tandis que la seconde obscurcit le trait en plongeant l'auditeur dans une atmosphère blafarde de fin de monde. La suite de Mosaic fait défiler trois nouvelles pièces ambient dans la pure tradition fenneszienne avec cet alliage toujours savant des textures jusqu'au final Goniorizon et sa matière sonore dématérialisée évoquant un autre genre de science-fiction : le cyberpunk. Dans son ensemble, Mosaic est un album plutôt conventionnel pouvant donner l'impression de n'être qu'un album de plus dans la belle œuvre de Fennesz, Mosaic est surtout un album précieux offrant de nouveaux surgissements sonores pour le moins extatiques et saisissants de la part d'un des grands compositeurs du genre.
Chroniqué par
Romain
le 08/12/2024