Après quelques EP fracassants et un premier album "coup de maître" autant que coup de massue, c'est peu dire que les américains de Chat Pile étaient attendus au tournant dans le milieu du sludge metal. Si tant est qu'il y ait des tournants à négocier dans cette musique de l'extrême ayant plutôt tendance à foncer en ligne droite avec un bélier dans les bras ou creuser verticalement le sol afin d'atteindre au plus vite les flammes de l'enfer en se fichant bien d'y brûler vif. Ce second album enfonce donc sans surprise le clou de God's Country en délivrant une autre salve d'ambiances putrides dans lesquelles surnagent le chant brutal et désenchanté de Raygun Busch (Camcorder) et le bon gras sonore produit par ses trois coéquipiers dans la sueur, les larmes et le sang.
Cool World fait pleuvoir sur l'auditeur une myriade de riffs tétanisants flirtant avec tout ce que le rock a créé de plus violemment glauque dans son histoire récente, du grunge (Tape) à la cold-wave (Milk of Human Kindness) en passant par le metal indus de Godflesh (Frownland, Funny Man) ou encore la noise desséchée de Shellac et du regretté Steve Albini (le début de No Way Out). Sommets parmi les sommets de ce grand disque torturé ne laissant aucun répit, certains morceaux restent portés par une puissance mélodique qui en font d'ores et déjà de nouveaux tubes à l'efficacité redoutable : Shame et Masc.
Après les chansons Mask et The Mask présentes sur ses prédécesseurs, Cool World semble également vouloir nous présenter son masque pour mieux le retirer devant nous. C'était un masque de coolitude apparente cachant toute l'horreur d'un monde que Chat Pile nous laisse entrevoir album après album, sans malice et sans détour.
Chroniqué par
Romain
le 12/10/2024