"I'm gonna be big" scandait Grian Chatten dès l'inaugural Big, et force est de constater que la formation dublinoise est devenue en seulement cinq ans l'un des groupes de rock les plus attendus de la scène internationale. Fontaines D.C. continue même de tracer une route s'éloignant des pubs irlandais pour se diriger tranquillement mais sûrement vers les grandes salles, un succès grandissant allant logiquement de pair avec l'apaisement de sa musique.
Démarrée dans l'énergie braillarde du post-punk (Dogrel, 2019), poursuivie dans les teintes plus sombres d'un rock louchant parfois vers la new-wave (A Hero's Death en 2020 puis Skinty Fia en 2022), l'identité sonore du groupe prend aujourd'hui un virage pop qui va très certainement décontenancer les fans de la première heure. Ceux qui ont peur de recevoir à la table un demi-pêche après avoir commandé une pinte de Guinness peuvent cependant se rassurer et ouvrir un tant soit peu leurs chakras puisque Romance, et ce malgré sa pochette hideuse, reste peut-être ce que le quintet a composé de mieux dans son ensemble depuis leurs débuts.
Si Fontaines D.C. semblait se perdre dans un cul-de-sac avec Skinty Fia, album en léger pilotage automatique qui souffrait notamment d'un certain appauvrissement d'écriture malgré quelques bonnes chansons çà et là (I Love You), le groupe trouve ici une issue de secours en s'ouvrant à un nouveau champ des possibles. Les irlandais reprennent ainsi des couleurs et nous offrent une collection de morceaux étonnants voire détonnants dans laquelle on trouve : des faux airs de Pixies (Death Kink) ou de.. Deftones ? (la mélodie vocale de Desire), des tubes à l'efficacité redoutable (Starburster, In The Modern World, Sundowner), des contrastes plus appuyés qu'auparavant entre noirceur contenue et luminosité chatoyante, ou encore quelques ballades simples et magnifiques (Motorcycle Boy, Horseness Is The Whatness).
Pour accompagner cette évolution, la production remarquable de James Ford (Arctic Monkeys, Gorillaz, Blur, Foals, Depeche Mode..) se met au diapason tandis que le chant de Grian Chatten ravit par sa richesse de tons renouvelés. La production et le chant, voilà deux éléments qui soit dit en passant peinaient à pleinement convaincre sur le dernier album (tout de même très honorable) d'un autre groupe dublinois ayant lui aussi négocié un virage pop à sa manière, The Murder Capital. Loin de ses éructations juvéniles, le doux lyrisme de Grian Chatten inscrit clairement sa voix parmi celles qui comptent aujourd'hui dans la sphère rock, ce qui n'est pas rien, et achève de hisser ces nouvelles chansons aux arrangements soignés vers de belles hauteurs étant moins celles du stadium rock tant redouté que celles de la musique pop-rock lorsqu'elle est au meilleur de sa forme.
Chroniqué par
Romain
le 26/08/2024