C’est toujours avec un léger pincement au cœur que les nouvelles sorties de Broadcast parviennent à nos oreilles. Non pas par mécontentement, bien au contraire, mais du fait de la tristesse générée par le vide cinglant laissé par Trish Keenan depuis son décès en 2011. Ne restent désormais que les textes mélancoliques et les échos éthérés de sa voix si reconnaissable.
C’est donc on l’imagine avec beaucoup de difficulté mais néanmoins avec la volonté de ne pas laisser disparaître l’esprit de sa partenaire que James Cargill a fouillé les tiroirs du groupe pour nous sortir cette compilation de démos (36 titres !), qui auraient servi à un cinquième album de Broadcast.
Les morceaux de Spell Blanket se divisent en quatre catégories : il y a les interludes parlés, sortes de poèmes sonores scandés par la chanteuse (My Body, Grey Grey Skies). Il y a également les chants à nu, donnant l’intention mélodique imaginée par Keenan pour les futures chansons (The Song Before The Song Comes Out, I Blink You Blink), et les morceaux instrumentaux, entre expérimentations électroniques (My Marble Eye, Dream Power) et coquilles vides n’attendant qu’un chant pour se poser dessus (Crone Motion).
Et puis il y a les démos : ces morceaux qui auraient pu être des titres officiellement sortis. Ils nous évoquent différentes ambiances et héritages du groupe : Greater Than Joy et Roses Red auraient pu être chantés par Halo Maud, le cosmique Follow The Light par Salami Rose Joe Louis ou encore les titres folks à chœurs Petal Alphabet et Fatherly Veil par @. C’est ainsi qu’on prend conscience de la dimension avant-gardiste du groupe, véritable précurseur de formes musicales et de courants qui ont eu leur succès bien des années après que ces compositions aient été créées.
Dans la continuité de Tender Buttons (Heartbeat, Where Are You?) et de The Future Crayon (The Games You Play sur la rythmique foutraque de DDL), certaines démos sonnent comme des pépites à l’état brut, comme I Want To Be Fine, qui incarne toute la mélancolie pop et rêveuse de Broadcast : « The trees fall off their leaves, offering green tears to the air » (« Les arbres font tomber leurs feuilles, offrant des larmes vertes à l’air libre »).
C’est donc avec beaucoup de joie, mais également beaucoup de tristesse et de mélancolie qu’on se laisse balader à gauche à droite entre les différentes compositions et démos non-finies, à l’image de ce groupe décidément légendaire, qui continue encore à nous faire rêver plusieurs décennies après sa création et son issue fatidique.