Après trente ans de bons et loyaux services au sein du plus grand groupe de rock de tout l'étang, Kim Gordon s'échappait tardivement de cette figure emblématique gravée dans le marbre qu'est Sonic Youth en nous présentant il y a cinq ans No Home Record. Ce premier album radical tranchait notamment avec les autres tentatives solos parfois plus convenues de ses anciens comparses Thurston Moore et Lee Ranaldo. Il faut dire que Kim Gordon a toujours été le caillou dans la chaussure de Sonic Youth. Celle qui foudroyait déjà dans les années 80 sans l'ombre d'un doute, celle qui ensuite détonnait sur les albums "mainstream" du début des années 90 jusqu'au magistral Washing Machine (1995), celle qui enfin continuait à faire grincer le petit déroulé classic rock des derniers albums du groupe (Pattern Recognition ouvrant le pépère Sonic Nurse en 2004).
C'est cette même envie de transgression qui semble plus que jamais animer la compositrice américaine sur ce nouvel album suivant logiquement la voie ouverte par son prédécesseur. De ses propres aveux, Kim Gordon ne s'intéresse plus vraiment au rock actuel et reste principalement stimulée par la scène hip-hop underground et la musique expérimentale. The Collective est ainsi à l'image de ces affinités bien marquées et propose une expérience sonore inconfortable voire douloureuse tant celle-ci est striée de toutes parts. Pures errances vocales dans de lourdes bourrasques electro-noisy, les compositions abrasives de ce second album font écho à notre chère époque, tumulte d'un monde dans lequel la technologie progresse à vive allure tandis que l'humain décline lentement mais sûrement.
The Collective est alors un enchaînement fragmenté de blocs massifs et opaques que l'on se prend en pleine poire les uns après les autres, l'album nous tiraillant entre attraction et répulsion mais se devant d'être traversé d'une traite sans répit pour mieux en saisir l'intensité. La voix quincagénaire de Kim Gordon qui peinait parfois à trouver sa place dans les derniers instants de Sonic Youth semble quant à elle baigner pleinement dans son élément et arrive près de vingt ans plus tard à percuter de plein fouet par sa précieuse singularité. Que l'on apprécie ou non cette nouvelle mutation, force est de constater que Kim Gordon poursuit ici une voie torturée et passionnante fidèle à ce qu'elle a toujours été dans le fond : une artiste contemporaine majeure.
Chroniqué par
Romain
le 09/03/2024
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