C'est en 2019, donc assez tardivement, que l'on a découvert Helado Negro. Le songwriter américain né de parents équatoriens et répondant au nom de Roberto Carlos Lange sortait alors This Is How You Smile, œuvre exquise et solaire d'excellente facture ayant reçu justement très bonne presse à l'époque et succédant déjà à de nombreux albums distribués par le label de Sufjan Stevens Asthmatic Kitty. Depuis son précédent album Far In (2021), c'est maintenant chez le prestigieux 4AD que l'on retrouve Helado Negro, ce qui est plutôt rassurant si l'on se fie à la haute estime que l'on a pour les dernières signatures de cette maison ayant du flair (Big Thief / Adrianne Lenker, Deerhunter, Jenny Hval ou encore Bing & Ruth).
Si Far In était une odyssée certes magnifique mais qui péchait légèrement par excès de générosité et qui, du haut de ses quinze morceaux étalés sur plus d'une heure, ne pouvait échapper à quelques irrégularités, Phasor resserre quant à lui le cadre à l'essentiel pour finalement produire l'une des œuvres les plus réussies d'Helado Negro. L'album démarre pourtant sur une chanson impulsive et étonnante, LFO (Lupe Finds Oliveros) évoquant une sorte de coldwave à la Motorama servie à la sauce caliente. Helado Negro aurait-il changé à ce point ?
La suite de Phasor renoue toutefois avec ce que Roberto Carlos Lange sait faire de mieux : marier les contrastes sonores et la musicalité des langues afin d'ériger un temple coloré de l'enivrement et d'une certaine suavité que l'on retrouve aussi chez des auteurs de bossanova contemporaine (l'indispensable Arto Lindsay ou plus récemment le brésilien Tim Bernades et son fabuleux Mil Coisas Invisíveis). On se balance alors miraculeusement entre folk intimiste et escapades électro-pop, entre l'anglais et l'espagnol, entre joie dansante et spleen de fin de soirée. Et on sait déjà que ce sublime Phasor nous accompagnera longtemps.
Chroniqué par
Romain
le 13/02/2024