Les groupes iconiques du mouvement shoegaze se comptent sur les doigts d'une main, donc lorsque l'un d'entre eux décide de revenir, c'est forcément un événement. Il est d'ailleurs intéressant de voir à quel point ce courant musical de niche issu du début des 90's irrigue dorénavant tout un pan de la scène rock actuelle – certains groupes de post-rock voire de black metal s'y sont copieusement abreuvé – alors qu'il était auparavant réservé à quelques happy few et restait largement éclipsé par l'émergence du grunge puis de la brit-pop. Tant et si bien que ce regain d'intérêt tardif amena plusieurs fleurons du genre à se reformer : My Bloody Valentine, Ride et prochainement les Drop Nineties (on y reviendra sûrement).
Témoin discret mais incontournable du shoegaze, les anglais de Slowdive auront, en quatre albums majeurs plus quelques EPs indispensables comme Morningrise (1991), jalonné l'histoire de ce genre avec une certaine force tranquille. De sa naissance à sa renaissance en passant hélas par son déclin. Quelques années après le road trip folk americana Mojave 3 formé en 1995 par Rachel Goswell et Neil Halstead lors de la séparation de Slowdive, le groupe revenait avec des live dantesques puis avec un magnifique album éponyme (Slowdive, 2017) qui arrondissait les angles en visant une forme d'efficacité pop (les chansons Star Roving, Sugar For The Pill et No Longer Making Time) afin de conquérir une nouveau public sans pour autant s'embourber dans du rock FM conçu pour remplir les stades.
Ce retour en grâce – l'une des plus belles reformations de ces dernières années – ne pouvait laisser espérer qu'un avenir radieux pour la suite de leurs aventures. C'est maintenant chose faite avec la sortie de ce cinquième album, une œuvre dans laquelle on s'immerge avec un bonheur inestimable. Rappelons que la musique de Slowdive est aujourd'hui magnifiée par les techniques évoluées d'enregistrement et de mixage, ces dernières donnent au quintet l'ampleur sonore nécessaire ainsi qu'une seconde jeunesse que l'on espère éternelle.
Avec everything is alive, grand disque mélancolique s'il en est, Slowdive poursuit sa quête sonore du spleen dans sa forme la plus brumeuse, heavenly et onirique. Dans sa forme adulte également puisque ce spleen était autrefois rattaché à un certain désenchantement adolescent et avait même servi à accompagner les premiers films de Gregg Araki pour ces raisons là. Ainsi à la question "comment vieillissent nos jeunes shoegazers préférés ?" nous serions tenté de répondre qu'ils vieillissent merveilleusement bien. Du haut de ses 33 ans d'existence accidentée, Slowdive garde d'une part une belle allure mélodique comme en témoignent certains morceaux teintés de synth-pop (skin in the Game ou kisses ci-dessous), et sait d'autre part composer de purs joyaux dream-pop étirant le temps et notre plaisir avec. À ce titre, andalucia plays nous offre certainement le sommet de cet album, un morceau dans lequel la voix sereine de Neil Halstead se livre à nu, nous ballade et nous bouleverse.
De l'ouverture électro cosmique shanty au tunnel chained to a Cloud dont le titre illustre magnifiquement notre état à l'écoute de cet album, en passant par ce morceau instrumental hors du temps évoquant The Cure période Disintegration (prayer remembered), on traverse everything is alive comme un rêve éveillé qui stimulerait en nous la nostalgie d'une époque que l'on n'a pas ou peu connue. the slab (ci-dessous) clôture quant à elle l'album sur un accélérateur de particules hypnotiques et nous rappelle que Slowdive a toujours les batteries shoegazing bien chargées.
Chroniqué par
Romain
le 04/09/2023