C'était une fin que l'on avait pas forcément anticipée et qui nous laissa alors coi. La fin d'une histoire d'amour et d'un couple mythique – Thruston Moore et Kim Gordon – qui entraînait logiquement une autre fin, celle d'un groupe tout aussi mythique et avec lui une certaine histoire du rock, à la fois souterraine, en marge, culte, et passionnante. La sentence fut irrévocable et mit brusquement un terme à près de trente ans d'une discographie exemplaire alors même que Sonic Youth semblait avoir repris du poil de la bête et ressoudé quelques liens comme pouvaient en témoigner la puissance élancée et les voix entremêlées de leur ultime album The Eternal (2009). Qui plus est un album signé Sonic-Youth, avec un trait d'union entre "Sonic" et "Youth" comme à leurs débuts, mais The Eternal fut finalement le disque de la désunion et des adieux précipités.
Se sachant très certainement condamné lors de cette tournée de 2011, Sonic Youth eut toutefois l'excellente idée d'enregistrer en bonne et due forme leur dernier concert exécuté sur la terre qui les a vu naître – New York – et nous offre tardivement ce véritable clap de fin nous ayant cruellement manqué toutes ces années. Loin des fonds de tiroir et autres raretés peu pertinentes ayant parfois servi à alimenter le catalogue récent du groupe, ce Live in Brooklyn 2011 (initialement sorti en 2018 et réédité cette année) est un coup de massue qui percute de plein fouet et laisse pantois. Prêt à en découdre, Sonic Youth renouait ici avec la sauvagerie no-wave de leurs débuts et donnait l'impression de vouloir boucler la boucle en puisant essentiellement dans les premiers albums rageurs du groupe.
Plus étonnant encore, Live in Brooklyn 2011 fait la part belle à un album qui, à l'instar du sous-estimé NYC Ghosts and Flowers (2000), divise parfois les adorateurs du groupe, à savoir l'embrasé Bad Moon Rising (1985) et son bruitisme psychédélique lancé sur les rails de l'enfer. C'est le batteur Steve Shelley, pourtant absent lors de cette première période du groupe, qui proposa cette set-list aux autres membres, le groupe y voyant sûrement là l'occasion de livrer une expérience scénique cathartique et furieusement libératrice pour conclure sa longue histoire.
Défilent ainsi sur près d'une heure et demi de nombreuses bourrasques électriques issues de l'album sus-cité ainsi que de Confusion Is Sex (le maxi Kill Yr Idols et le final dans le sang et la sueur Inhuman), EVOL (Tom Violence), Daydream Nation (Eric's Trip), Dirty (Drunken Butterfly, Sugar Kane), Experimental Jet Set, Trash and No Star (Starfield Road), The Eternal bien-sûr puisqu'il s'agissait de sa tournée (Sacred Trickster, Calming The Snake et What We Know) et enfin Sister avec les noces de coton anciennement célébrées par une Kotton Krown chantée à l'unison par le couple et dont le choix reste rétroactivement lourd de sens. Après ses dernières éructations, le grand trublion Thurston Moore nous laisse tout de même sur un message d'amour et de positivité ("in the tower of love, everything is possible") et, si toutes les histoires d'amour finissent mal, celle de Sonic Youth s'est conclue sur un live majeur, dantesque et sans concession à la hauteur du talent de ce groupe indispensable. Enfin, c'est avec le cœur rempli de joie que nous tournons alors cette dernière page. Respect éternel.
Chroniqué par
Romain
le 21/08/2023
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