Attendu depuis sept ans soit une éternité au rythme où va le monde, le nouvel album de PJ Harvey vient de sortir et fera à coup sûr parler de lui. Certainement plus que son prédécesseur The Hope Six Demolition Project (2016) qui n'était qu'une redite quelque peu décevante du sublime Let England Shake de 2011 et qui laissait craindre une phase de déclin chez cette grande artiste que l'on aime tant. La longue tournée qui suivra la sortie de cet album légèrement mineur sera quoiqu'il en soit si exténuante pour l'anglaise que cette dernière en ressortira en panne sèche et bien réticente à l'idée de refaire un autre tour du manège de l'industrie musicale. Ainsi, cette dixième œuvre en un peu plus de trente ans marque un nouveau chapitre dans lequel PJ Harvey semble avoir retrouvé l'envie, l'inspiration et une grande forme sereine. Vous pensez bien que ce retour était immanquable.
PJ Harvey propose avec I Inside the Old Year Dying une expérience inédite qui captive d'emblée par son traitement magistral du son, un travail rudement mené par son compère de toujours John Parish et par le producteur Flood. Ces deux-là offrent à PJ Harvey un nouvel écrin sonore dans lequel elle va pouvoir se reconnecter aux éléments et y injecter son art majestueux. Rappelons que depuis l'intense To Bring You My Love en 1995, Polly Jean aime souvent déjouer les attentes en arpentant de nouveaux territoires musicaux et en amorçant des virages assez déconcertants comme en témoignaient l'aventureux Is This Desire ? (1998) et le lo-fi Uh Huh Her (2004) ou dans une moindre mesure White Chalk (2007) pour lequel l'anglaise se mettait au piano.
Plus qu'une façon de se donner une consistance derrière un écran de fumée faussement arty, il s'agirait surtout chez PJ Harvey de retrouver à chaque nouvel album le geste artistique originel de la pure création. Pour cela il faut savoir faire table rase du passé et tourner inévitablement chaque page pour en écrire de nouvelles. Les puristes de la Polly impolie des débuts qui souhaiteraient la voir revenir à des sonorités rock plus sauvages peuvent donc d'ores et déjà aller allumer un cierge car ce retour n'est pas pour aujourd'hui. Aujourd'hui, PJ Harvey navigue dans des eaux plus troubles et fait voltiger son chant si familier mais toujours surprenant, quasi "Kate Bushien" lors des strates les plus haut perchées, dans un univers pop ambitieux et plutôt inclassable. Ce nouvel album nécessitera ainsi plusieurs écoutes pour délivrer ses subtilités, ses richesses et certains de ses mystères.
I Inside the Old Year Dying a d'abord été pensé comme le prolongement musical d'un ensemble de poèmes – "Orlam" – qu'elle écrivit auparavant sur une période indéterminée. De ces poèmes contant les aventures d'une fillette fictive de neuf ans vivant dans la campagne du Dorset dont est originaire PJ Harvey et rédigés dans le dialecte de cette région, la britannique en tire un album sans cesse stimulant et pregnant. Les chansons tissent entre elles une atmosphère entre ciel et terre qui semble d'une part vouloir se ressourcer en puisant dans les racines de la folk et qui décroche d'autre part à plusieurs reprises la lune en offrant de nombreuses fulgurances irradiantes, parfois crépusculaires mais souvent célestes, et toujours contemporaines pour ne pas dire avant-gardistes (on pense parfois au Low des deux derniers albums).
Difficile de placer un album comme celui-ci dans une discographie aussi variée et exemplaire que celle de PJ Harvey. Disons qu'il y a d'abord les œuvres où l'artiste s'impose puis les œuvres où l'artiste perdure, et qu'avec I Inside the Old Year Dying PJ Harvey continue de perdurer à des hauteurs stratosphériques.
Chroniqué par
Romain
le 14/07/2023