Décidément, on aime le Cornelius de ces dernières années, suave et doux, tel un marchand de sable des temps modernes… avec un peu plus d’entrain, tout de même ! La mutation d’un des hérauts du style Shibuya-kei (au côté du duo Cibo Matto ou encore des Buffalo Daughter) est formidable à observer.
En trente ans de carrière, celui qui s’est fait connaître pour ses bidouillages, collages cassette et autres fantaisies avec Fantasma (1997) a par la suite étoffé son style d’indie pop/rock/funk électronique déconstruite avec les albums Point (2001) et Sensuous (2007).
En 2017, l’album Mellow Waves acte de la mutation artistique de Keigo Oyamada pour un style plus easy-listening et pop jazzy. Dix ans après son prédécesseur (qui marquait donc la fin d’une ère), le sixième album de l’artiste se présentait comme une œuvre aux contours ronds et aux compositions chaudes et enveloppantes. Le titre If You’re Here était d’ailleurs présenté sur notre média comme titre de la semaine, il y a six ans de cela.
Dream in Dream s’inscrit dans la continuité de cette univers à la fois pâteux et onirique de vagues moelleuses (Drifts). Grâce à des mélodies inspirées du jazz (All Things Must Pass), du funk (Mirage) et de la musique électronique (Environmental), Cornelius dépeint des paysages au-delà du temps et de l’espace, comme sur le titre Out of Time, véritable voyage spatio-temporel : « 闇の中で光る光 ; 今が過去で未来今が » ; traduction : « La lumière éclaire du fin fond des ténèbres ; aujourd’hui, depuis le passé jusqu’au futur ».
On notera que l’artiste conserve sur cet opus son attrait pour les mélodies déconstruites (Night Heron) autant que pour les mélodies pop efficaces. En témoigne l’émouvant « opener » Change and Vanish, qui se pose comme le tube ultime de Dream in Dream : « 変わる変わる、好きなものあるなら、早く言わなきゃ ; 消える消える、好きな人いるなら会いに行かなきゃ » ; traduction : « Change, change, si tu aimes quelque chose, dit le vite ; disparait, disparait, si tu aimes une personne, va la retrouver ».
Comptons donc que cette promesse de retrouvailles d’un être cher soit également valable pour le Beck japonais, dont l’évolution artistique et la qualité de composition n’ont rien à envier à son homologue américain, et dont on se languit déjà de retrouver l’univers si particulier, généreux et chaleureux, dans les prochaines années.