C'est toujours un grand bonheur de retrouver Califone, groupe américain relativement confidentiel et à géométrie variable s'articulant autour de l'auteur compositeur interprète Tim Rutili et ayant écrit depuis l'aube des années 2000 l'une des plus belles pages du blues-folk contemporain. L'une des plus belles certes mais également l'une des plus retorses si l'on admet que la bande de Califone se plait surtout à errer dans les circonvolutions expérimentales que peut proposer cette musique enracinée – on les range d'ailleurs dans la case "post-rock" souvent destinée aux groupes inclassables – et aime la triturer en lui faisant subir de nombreuses mutations.
La musique de Califone a ainsi toujours oscillé entre d'une part l'aspect brinquebalant et jouissif de la jam lorsque le courant circule entre les musiciens, et autant dire que chez eux ça circule bien; et d'autre part le mélodisme accueillant d'une indie-pop-folk éclairée par la voix chaleureuse et éraillée de Tim Rutili, peut-être l'une des voix les plus magnifiques dans le genre avec Jeff Tweedy de Wilco et Beck. Les œuvres marquantes de ce groupe discret sont alors celles qui arrivent à trouver entre ces deux pôles un bel équilibre en réajustant le curseur, de l'initial Roomsound en 2001 à l'excellent Stitches en 2013 en passant par Roots & Crowns en 2006, leur apogée récemment réédité par Thrill Jockey.
Après le réjouissant Echo Mine sorti il y a trois ans, album plus largement instrumental pensé comme un accompagnement musical aux spectacles de la danseuse contemporaine chicagoane Robyn Mineko William, ce nouvel album semble plutôt creuser le sillon des albums précités. Villagers est en effet une collection de chansons généreuses et parfois miraculeuses renouant avec le meilleur de Califone et possédant parfois un doux accent de soft rock so seventies. Les arrangements sont ici encore une fois aux petits oignons, réorganisant le chaos sonore tantôt acoustique tantôt électrique provenant des compositions enlevées de Tim Rutili. Entre les caresses et quelques coups de griffes, Villagers avance en se laissant doucement apprivoiser et révèle une palette d'émotions enivrantes nous faisant lentement chavirer.
Chroniqué par
Romain
le 20/05/2023