Trois ans. Cinq ans. Douze ans. La durée qui sépare chaque nouvel album de Kings of Convenience semble nous avertir qu'il n'y a rien de plus complexe que la simplicité lorsque l'on souhaite que celle-ci atteigne à chaque instant une forme de sublime. Bien sûr, cette raréfaction est également due au fait que ce duo formé d' Eirik Glambek Bøe et Erlend Øye n'a rien de carriériste et, n'obéissant à aucun contrat, a tout le temps de vivre sa vie et de peaufiner ses œuvres sur le long terme. Les deux norvégiens avaient d'ailleurs dit en interview que si la première moitié de leur processus de composition durait souvent un jour maximum, la seconde moitié pouvait parfois durer plusieurs années.
Une évidence s'impose à l'écoute de ce nouveau cru que l'on osait plus espérer après tant d'années, celle d'un groupe qui est toujours resté fidèle à une musicalité dont la fragilité menace parfois de s'effondrer. L'épure de leurs chansons folk flirtant souvent avec la pop et la bossanova risquerait même de faire dériver la limpidité vers la platitude et la simplicité vers le simplisme s'il n'y avait pas chez eux cette faculté miraculeuse à transfomer ces petits bouts de rien en purs moments d'extases. Cette fidélité à une identité sonore qui serait comme figée nous touche d'ailleurs autrement aujourd'hui car, si le monde a considérablement changé en douze ans, eux n'ont pas changé d'un yotta.
Sans surprise, Peace Or Love reprend là où son magnifique prédécesseur Declaration of Dependence nous avait laissé en 2009. On y retrouve même un échiquier sur la pochette et un titre jouant sur le contraste entre des éléments parfois antinomiques (Quiet is the New Loud en 2001, Riot on an Empty Street en 2004) comme ici cette dislocation du symbole unificateur cher aux hippies des 60's afin de mieux suggérer l'incompatibilité entre les deux. L'amour n'irait donc pas sans son lot de remous et nous rappelle à quel point celui-ci reste l'un des sujets de prédilection du duo. Là non plus ils n'ont pas changé.
Connus pour leurs subtils enchevêtrements de guitares et leurs doubles vocalises rappelant volontiers Simon & Garfunkel, Eirik Glambek Bøe et Erlend Øye nous offrent ici un nouveau florilège de chansons entraînantes (Rocky Trail et Fever ci-dessous), mélancoliques (Killers) ou encore apaisantes (Song About It), le tout étant une fois de plus servi par des arrangements de cordes éparses et une approche sensible de l'acoustique. La chanteuse Feist, qui avait déjà prêté sa belle voix à deux chansons de Riot on an Empty Street, revient magnifier deux nouvelles chansons dont la gracieuse Love Is A Lonely Thing et ses faux airs de Burt Bucharach. Le mieux étant l'ennemi du bien, Peace Or Love n'est ni plus ni moins qu'un nouvel album des Kings of Convenience, soit un album précieux qui fait discrètement son chemin au fil des écoutes et semble assez bien lancé pour devenir un nouveau must-have.
Chroniqué par
Romain
le 25/06/2021