On sous-estime parfois l'importance du rôle que peut jouer l'environnement et ses propres conditions sur la musique, à quel point cette dernière peut s'en trouver inconsciemment affectée, modifiée voire (re)dirigée par ce qui en découle. C'est peut-être en connaissance de cela que le guitariste britannique Andy Cartwright a décidé de poser ses valises en France dans les Alpes du Sud, quittant ainsi les grandes plaines de son pays natal pour un territoire montagneux et rechargeant par la même occasion les batteries quelquefois défaillantes de l'inspiration.
A House With Too Much Fire est alors le fruit de cette recherche du dépaysement qu'offre ce nouveau cadre au guitariste folk. L'album est tout d'abord une œuvre de l'isolement et de l'instant, collectant des morceaux semi improvisés captés sur le vif dans une maison chauffée au poêle à bois le temps d'un hiver. Mais de cet isolement solitaire, Andy Cartwright aka Seabuckthorn en extirpe a contrario une musique plurielle multipliant autant les strates de guitares que les facettes de son savoir-faire depuis maintenant sept albums. Fingerpicking, percussions martiales, guitares jouées à l'archet afin de créer des nappes amples proches du modern classical (on pense à Richard Skelton par moment), utilisation de banjo et de synthétiseurs ajoutés par la suite aux enregistrements initiaux : l'album - soit dit en passant masterisé par le grand Lawrence English - offre une palette généreuse d'une folk aux nombreuses textures instrumentales. Intenses, rudes, planantes. Ces dernières se confrontent d'ailleurs plus souvent qu'elles ne se juxtaposent, donnant naissance à des morceaux aux reliefs assez forts, pour filer la métaphore d'un album composé en quasi autarcie dans les Hautes-Alpes.
Défilent ainsi des ambiances contrastées inspirées par le dedans, le dehors et sûrement le choc thermique qu'il y a entre les deux. Les échos de Disentangled, la gravité d'It Was Aglow et de Somewhat Like Vision rappelant les disques de l'excellent label Lost Tribe Sound auquel Seabuckthorn a participé sur son précédent effort (le beau Turns), la folk stagnante de Submerged Past louchant vers Ben Chasny / Six Organs of Admittance et une certaine densité sonore. A entendre la richesse et le souffle de cet A House With Too Much Fire, il semblerait que Seabuckthorn ait choisi le lieu idéal pour stimuler sa créativité. On va en tout cas suivre ça de très près.
Chroniqué par
Romain
le 21/05/2018