Voilà un moment que le groupe Zone Libre est dans notre viseur. Depuis la sortie en 2009 de L'Angle Mort avec Hamé de La Rumeur et Casey du collectif Anfalsh, nous sommes attentifs aux travaux de Serge Teyssot-Gay et Cyril Bilbeaud. Le temps passant, Zone Libre se transforme, devenant Polyurbaine. On est en 2015, Sergio et Cyril composent alors leur musique pour et avec d'autres voix : celles de Marc Nammour, leader de La Canaille, et du rappeur poète slammeur américain Mike Ladd. Aujourd'hui, en mutation permanente, Zone Libre Polyurbaine devient Kit de Survie. Et de nouveaux potes débarquent dans le projet : Mederic Collignon et ses cuivres, sa voix aussi, Akosh Szelevényi et son sax ténor.
Six artistes, d'horizons divers et variés, agglomérés autour d'une même dynamique : l'exploration. L'idée générale : se découvrir des affinités, revendiquer son appartenance aux périphéries, créer pour résister et s'ouvrir à l'autre malgré l'égémonique esprit d'enfermement qui nimbe actuellement chaque recoin du globe. Ambitieux ? Essentiel, plutôt !
Kit de Survie En Milieu Hostile est un disque qui matérialise, grave dans le marbre de la matière sonore mouvante, une sacré gageure en somme .
Voici donc dix moments de rencontres, celles de six musiciens qui ont décidé de passer à l'action, avec un culot assez bluffant. Marqué par la polyrythmie et l'improvisation musicale et textuelle, ce qui s'apparente à un free-rock noise et brut refuse toute idée de confort, d'arrangements avec la raison.
"Je viens d'un monde piétiné, un monde tapi de bon marché (...), un monde carpette" scande un Marc Nammour en fusion, droit comme i, survolant la noirceur touffue, dense, étouffante presque, des embardées soniques de ses collègues. Clairement, si la lumière se fait rare, la luxuriance des compos prend vite le pas sur l'austérité programmée, et les morceaux "chantés", slammés, hurlés s'envolent, portés par des mots urgents qui se foutent des filtres et du racolage.
Pourtant, cette tension palpable, la frustration aussi parfois, ne rendent pas fatalement inconfortables ou inhospitaliers chacun de ces titres. A contraire, il émane de cette âpreté, une certaine sensualité, une aura positive envahissante, qui atteint son paroxysme sur l'immense version du morceau Garde Fou. Un titre à l'image du disque. De chair, de larmes, de cris. D'idées noires bousculées, secouées, retournées jusqu'à en faire émerger l'évidence : cette envie de survivre coûte que coûte, tout en sachant Ce Qu'il Faudra Détruire...Ouais, c'est ça...C.Q.F.D. !
Chroniqué par
Yvan
le 02/02/2018