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The Necks

: Vertigo



sortie : 2015
label : ReR
style : Post-jazz / Contemporain / Drone

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Tracklist :
01/ Vertigo

Le mot est enfin lâché: Vertige. Ce terme plutôt intimidant sied pourtant parfaitement à ce que procure la musique essentielle de ce trio australien depuis maintenant plus de 25 ans de loyaux services. Vertige d'abord de ces longues compositions immersives d'une heure ou plus composant la plupart de leurs albums et imprégnant durablement l'auditeur. Vertige ensuite de ce genre indéfinissable qui est le leur et qui trouva fût un temps la double étiquette réductrice de "jazz transcendantal" alors même que le groupe s'éloignait à la fois de l'un et de l'autre. Vertige enfin d'une carrière sans faille échappant à tous les codes et jalonnée de quelques oeuvres fascinantes paraissant, de par leur richesse thématique, inépuisables.

The Necks nous avait laissé il y a 2 ans avec le magistral Open, un album qui était ouvert à l'épure, à la plénitude harmonieuse et à la sérennité de vieux sages. On se souvient notamment de ce long finale touchant au sublime. A vrai dire: si le groupe semblait planer, c'est avant tout car il volait très haut. Toujours imprévisible, The Necks vient aujourd'hui contredire ce précédent effort et prendre l'auditeur à rebrousse-poil en proposant un album à la sismographie émotionnelle totalement inversée nous offrant le vertige des profondeurs après celui des hauteurs. Car là où Open donnait l'impression de toujours s'élever vers les cieux, celui-ci creusera une terre poisseuse pour s'enfoncer encore et encore. Âmes sensibles et claustrophobes s'abstenir.

En cela, Vertigo s'inscrit dans la continuité de la prestation flirtant avec le drone que le groupe avait donné en avril dernier à l'église Saint-Merry de Paris devant un public médusé. En effet, sur cette dernière oeuvre, un vrombissement imposant vient servir de corps aimanté aux instruments disparates et cette fois-ci relativement métalliques des australiens. Y viennent alors s'agglutiner quelques nuisances sonores comme autant de friches d'un paysage dévasté: le piano dissonant et inquiétant de Chris Abrahams, les percussions arythmiques et éclatées de Tony Buck, la basse sourde de Lloyd Swanton ainsi que des grésillements électroniques rappelant ceux de l'album Silverwater (2009). Comme sur certains de leurs morceaux courts tel Rum Jungle (Mindset, 2011), les australiens se présentent ici comme un trio de forces contraires organisant avec maestria son propre chaos jusqu'à un climax que nous ne révèlerons pas mais qui plaira à coup sûr à un de leurs fans les plus connu: Michael Gira des Swans.

Cependant, cette nouvelle pièce avoisinant les 44 minutes (seulement) reprend le mécanisme si particulier du trio, un mécanisme qui trouverait peut-être plus facilement son équivalent dans le cinéma. The Necks construit en effet ses longues pièces à la manière de la surimpression, ou du fondu enchaîné. Chaque élément ne sert chez eux qu'à ouvrir la voix au suivant grâce à un art subtil de l'effacement et de l'apparition. Ou plus généralement un art du glissement. Chaque thème musical peut également s'échapper par la porte de derrière pour revenir ensuite à la fenêtre sans que l'on s'y attende, parfois sous une autre forme, modifiant imperceptiblement l'allure du morceau. Ainsi, chez Vertigo comme chez la plupart de ses prédécesseurs, il résulte de ce système qu'ils maîtrisent à la perfection une impression doucement paradoxale de mouvance et de staticité mêlées. Un voyage a bien eu lieu mais on ne saurait expliquer comment celui-ci s'est déroulé, comment s'est-il lentement dérobé. Nous devinons mal quelle est aussi la part de composition et d'improvisation dans leur musique, les deux aspects faisant corps selon une mystérieuse logique dont seul le groupe semble avoir le secret.

Avec cet authentique chef d'oeuvre d'une noirceur assez inédite chez eux, The Necks nous laisse une fois encore avec plus de questionnements que de réponses. Mais ils ne nous font sûrement pas douter de la grandeur que peut avoir la musique lorsqu'elle passe en de si bonnes mains.



Chroniqué par Romain
le 20/10/2015

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