Dans le paysage du jazz contemporain,
The Necks doit être envisagé comme une formation essentielle. En une vingtaine d’années, le trio australien a accouché avec une constance incroyable de disques étendards, qui font aujourd’hui école.
On pourrait tous les citer, mais mettons particulièrement en exergue
Sex. En 1989, c’est l’album qui signe l’acte de naissance des
Necks, il est le premier à nous gratifier de ces longs mouvements cinématiques et obsédants qui deviendront leur marque de fabrique. Au tournant des années 2000 enfin, il faut parler de
Drive By, pour beaucoup monument inégalé. C’est un disque qui fait la somme de toutes les expériences du trio, de leurs incursions dans la musique minimaliste ou électronique, jusqu’aux sphères du rock instrumental, tout en reprenant le format matriciel de
Sex, celui où il se montre définitivement le plus captivant : à savoir un long morceau de plus d’une heure à l’intérieur duquel un thème est réitéré jusqu’à l’hypnose, en une multitude de variations et de mouvements improvisés.
A cet égard,
Mindset n’apporte rien de nouveau. Sur deux fois vingt minutes, il offre cependant aux membres de
The Necks l’opportunité de montrer deux facettes de leur tonitruante alchimie.
La plus spectaculaire d’entre elles s’incarne totalement dans
Rum jungle. C’est un morceau qui semble avoir été taillé pour le live tant l'énergie qu'il dégage emporte tout sur son passage. Le trio mobilise ici ses forces les plus vives : autour des martèlements de
Chris Abrahams sur les notes graves de son piano, le percussionniste
Tony Buck et le contrebassiste
Llyod Swanton imposent un rythme soutenu en forme de rouleau compresseur. Les trois hommes conduisent la charge de fort belle manière, dessinant d’abord un climat oppressant à la
Charlemagne Palestine, puis révélant peu à peu à la lumière, une ambiance plus extatique et aérienne qu’il n’y parait.
Sur
Daylights, les trois hommes déploient leur musique dans le temps et dans l’espace en dénouant lentement un thème plus sinueux que celui de
Rum Jungle. Les trois hommes soignent leurs interventions, manière de démontrer leur art subtil et savant du climat. Cet art de la tension finalement qui doit beaucoup à Hitchcock, sa façon d’étirer une scène jusqu’à l’extrême, en retardant toujours un dénouement attendu.
Les
Necks appréhendent cette composition comme de véritables cinéastes. Ce n’est pas une nouveauté, mais
Daylights est très symptomatique de cette manière de faire. Cette posture adoptées par les
Necks fait finalement de
Daylights (une pièce assez académique au fond), un beau moment de jazz imagé, où priment l’amour du détail et des atmosphères en clair-obscur.
De la diversité donc, au programme du dernier opus des
Necks. Les néophytes y trouveront de quoi appréhender toute la richesse de la musique des Australiens, les initiés quant à eux, s'enthousiasmeront une nouvelle fois de constater que la passion qui les anime est loin d'être éteinte.