Entre deux albums de transe éruptive signés en compagnie de
Keiji Haino, les cultissimes guitaristes
Oren Ambarchi et
Jim O'Rourke inventent
Indeed : une bulle musicale anachronique, à la fois abstraite et méditative.
La musique d’
Indeed est née au Japon en début d’année et on se dit qu’elle n’aurait pas pu voir le jour ailleurs que sur cet archipel. Ce qui frappe de prime abord, c’est vraiment ça : son insularité, son aspect hors du temps et hors du monde.
Sur les deux faces d’
Indeed,
O'Rourke et
Ambarchi dessinent un océan de sons quasi-immuable où l’auditeur voit son âme aspirée. Les voilà devenus peintres.
Indeed c’est cet espace infini, sans balises ni chemins, esquissé en un autre temps par les pinceaux de
Mark Rothko. C’est comme si ses aplats de couleurs s’étaient détachés de la surface de ses tableaux pour venir flotter dans l’éther, changés en ondes sonores.
Ainsi, de faibles errances au vibraphone flottent dans le vide, à la limite du silence quand au-delà, d’amples étendues de feedback font sans cesse reflux, traversant d’autres paysages, certains faits de drones micro tonales, d'autres, de synthétiseurs analogiques ou de tranquilles oscillations. Mais malgré ce calme apparent, l’univers impalpable d’
Indeed est sans cesse changeant, sans cesse en expansion sur lui-même. Il est en fait continuellement parcouru par une tension électrique sous-jacente que l’on nommera ici mélancolie…Et qui est peut-être son essence, sa matière même.
En conclusion,
Indeed est un vrai tableau sonore qui semble continuellement s’amuser de l’horizon, de cette infime membrane au-delà de laquelle le ciel et l’océan se mélangent pour former un mirage incertain et duveteux. A un autre niveau, c’est aussi l’œuvre la plus personnelle que nous ait offerte les deux musiciens depuis longtemps. Pour créer la matière d’
Indeed, ils sont aller puiser dans l’essence même de leur son, de leurs styles respectifs et c’est ce qui confère aussi à leur musique cet aspect si familier.