Ce chant indolent, ces textes grattés au charbon et cette musique comateuse, entre techno larvée et folk trempé dans la glace, ont dû faire fuir un bon paquet d'auditeurs. Pas de problème,
Jeremy Shaw et la nouvelle mouture de son
Circlesquare (groupe renforcé en studio comme sur scène), ne cherchent pas spécialement à plaire.
Venu s'installer à Berlin depuis la sortie de son premier album (
Pre-Earthquake Anthem), le Canadien et son gang se campent loin des vendeurs d'insouciance. Clairement, ces huit titres, qui s'apparentent sans grand mal à une sérieuse révérence cold-wave, ont depuis belle lurette crevé la bulle de l'adolescence.
Ces chansons, bourdonnantes et cafardeuses, sont plutôt celles d'un gars tombé d'un sale coup dans la réalité ; esquinté et gravement brouillé avec les douces métaphores de l'enfance, il procède à grands coups de petits constats, lyriques (
Dancers cosmique à souhait) et bien assis sur sa pudeur (
Hey You Guys).
Essentiellement portées par une basse souterraine, inlassable et crasseuse, les instrus ensorcelées que propulsent ces cinq-là sont comme chiche de notes. Et simplement efficaces (
Ten To One, haletant comme la danse d'un pendu).
Scrutant sur ses bases les derniers souffles de l'innocence, en chuchotant de ci de là les quelques désillusions sauvées in extrémis d'un tableau brûlé (le décharné
Bombs Away et son compte à rebours de fin du monde),
Songs About Dancing and Drugs fait ainsi écho - au-delà du clin d'oeil éponyme (les
Songs About... de quelques illustes compatriotes tel
Leonard Cohen) - à de vagues ancêtres synthétiques (le
Joy Division de
Closer, les
Talking Heads aussi), tout en flirtant avec quelques pointures plus contemporaines, adeptes d'un blues implosé, drogué et magnétique (
Arab Strap,
P:ano et bien sûr
Low) comme des climats électroniques au groove algide (
Zoot Woman, le
Matthew Dear d'
Asa Breed).
Globalement, on constate rapidement que, dans ces ambiances flottantes et référencées,
Circlesquare, sous la houlette d'un
Jeremy Shaw inspiré, travaille avec une assurance déconcertante.
Sûr de leur fait, sans gants. Pourvu d'ailleurs qu'il reste des traces. Partout et indélébiles. Objectif quasiment atteint, quand derrière ce meneur de revue faussement apathique, se révèle, impitoyable et flippant, un infréquentable compagnon de route, vicelard et captivant, capable de se rendre indispensable peu importe le chemin qui reste à parcourir. Bravo.
Chroniqué par
Yvan
le 15/04/2009
http://www.dmute.net
par yvan (le 16/04/2009)
Tout à fait d'accord avec toi pour le côté anti-charismatique du chanteur et cette voix atone.
Côté son et ambiance, par contre, et pour le dire vite, je trouve Lightbulbs plus psychédélique et beaucoup moins synthétique que Songs About Dancing and Drugs. Sans parler de cette rythmique - celle des F&M - qui leur est bien spécifique : le boulot de Lee Adams sur cet album est une marque de fabrique qui les différencie de la concurrence (une patte qu'on retrouve d'ailleurs sur le dernier Baïkonour, Your Ear Knows Future, pas dégueu du tout)
En tout cas merci pour la remarque ça m'a permis de me replonger dans Fujiya & Miyagi et cette "krautpop" bien tranquille, dommage qu'on nous la mette à toutes les sauces ces temps ci.
par Magou (le 16/04/2009)
Je vois une parenté frappante entre cet album et celui de Fujyia & Miyagi sorti il y a quelques mois.