Ryan Power – World of Wonder (Autoproduit)
extrait : World of Wonder
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Les illustrations accrocheuses des albums de Ryan Power sont depuis longtemps tout aussi fantasques et décalées que l’artiste qu’elles représentent. Après They Sell Doomsday (2017) et son magicien en garde ou I Don’t Want To Die (2012) montrant l’artiste en penseur moderne, World of Wonder nous montre le dessin de l’intérieur d’une vache enceinte en vision rayons X. Curieux programme donc qui contraste avec les ambiances pop de l’album (Psychic Mechanic). Sur des textes dignes de Broadway (Dracula Reality, Just a Hungry Snail), Ryan Power s’invente un monde imaginaire et personnel, cohérent dans sa singularité, à la manière d’un Jonathan Something ou d’un Connan Mockasin (Struggle Snuggle).
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Fabiano Do Nascimiento & Sam Gendel – The Room (Real World)
extrait : Foi Boto
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Le guitariste classique brésilien Fabiano Do Nascimiento fait depuis dix ans le tour du monde avec son instrument pour des collaborations imprégnées des couleurs de son pays d’origine. The Room n’est pas son premier coup d’essai avec Sam Gendel, producteur et saxophoniste californien. Sur des thèmes accrocheurs, le duo propose ses compositions jazz bossa, dans le style le plus pur (Foi Boto). L’alternance des parties à la guitare de Do Nascimiento (Txera), et des évolutions cuivrées de Gendel (Capricho de Raphael) donne à The Room cette ambiance particulière de musique de chambre. Le guitariste s’improvise également percussionniste par moment, comme sur Astral Flowers. Il a d’ailleurs remis le couvert fin 2024 avec le guitariste folk expérimental japonais Shin Sasakubo pour un duo à la guitare captivant (Harmônicos).
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Dick Annegarn – Chordes (VF Musiques / Tôt ou Tard)
extrait : Bruxelles – Guitare Solo
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C’est en 1974 que le belge Dick Annegarn se fait connaître avec ses chansons folk populaires et le fameux Bruxelles. Cinquante ans plus tard, l’artiste reprend ses titres en versions instrumentales, pour un jubilé en toute modestie. On y retrouve les titres de Sacré Géranium (Bruxelles, Bébé éléphant), mais également d’autres titres de sa prolifique carrière comme Les Tchèques (Approche-toi, 1997), Le roi du métro (Polymorphose, 1974) ou encore Potron Minet (Plouc, 2005). Les enregistrements chauds et intimistes des titres de Chordes en font un album coupé pour une soirée relaxante, en famille ou entre ami.e.s. Gageons que la fin soit plus agréable que celle du Grand Diner !
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Michael Nau – Montrose Tape (Karma Chief)
extrait : Montrose Tape
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L’artiste américain Michael Nau sortait en février 2024 Montrose Tape, un album qui se résume en un seul titre fleuve de 35 minutes formant un collage de plusieurs morceaux issus de ses sessions de travail sur son album de 2023 Accompany. On y retrouve des improvisations musicales, des inédits et des versions démos de titres de ce disque comme Accompaniment ou encore Long Distance Driver. Ces chutes de jams ont été réalisées avec l’aide de ses musiciens et camarades de précédents projets musicaux comme Cotton Jones ou encore Page France. Elles ont été méticuleusement sélectionnées par Nau pour en faire un patchwork aux ambiances nuancées mais néanmoins cohérentes, glissant entre la lounge pop et la folk intimiste.
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Omni – Souvenir (Sub Pop)
extrait : Plastic Pyramid
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Les Devo des temps modernes sortent un nouvel album entre post punk et électro pop. Moins populaires par chez nous que leurs voisins de Chicago Stuck, leurs cousins montréalais de Cola ou nos français d’Unschooling, Omni étoffe tout de même son univers avec ce nouvel album sobrement nommé Souvenir. Le onze titres dévoile des titres oscillant entre rythmes dansants (Plastic Pyramid avec Izzy Glaudini), mélodies de guitares en entrelacs (Compliment) et compositions volontairement absurdes (INTL Waters, Granite Kiss). Toujours pertinents dans leur démarche artistique, bien que moins percutants qu’à l’époque de Multi-Task (2017), les trois compères d’Omni poursuivent leur épopée musicale à leur façon.
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Squarepusher – Dostrotime (Warp)
extrait : Wendorlan
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Aussi sombre qu’entêtant, le Dostrotime de Squarepusher coche toutes les cases d’un album IDM/glitch bien ficelé : ponctué de trois interludes à la guitare servant de petites respirations (Arkteon 1, 2 & 3), l’album enchaîne les plages électroniques bruitistes et rythmiques, telles que sait bien le faire Tom Jenkinson (Wendorlan). L’artiste anglais exploite ici ses talents de musiciens multi-instrumentiste au service de compositions aux rythmes complexes et aux mélodies fortes (Duneray). Squarepusher déroule les douze titres de Dostrotime en un rush permanent, qui se mue en fusion jazzy électronique ne semblant jamais s’essouffler (Stromcor). À noter que l’artiste a également fêté en octobre dernier les 20 ans de son classique Ultravisitor, le culot musical toujours aussi présent et fougueux… la chevelure un peu moins !
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Avalanche Kaito – Talitakum (Glitterbeat)
extrait : Borgo
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Le quatrième album d’Avalanche Kaito est tout aussi perturbant et accrocheur que ses prédécesseurs. Talitakum déroule les morceaux percussifs (Tanvusse), noise rock (Borgo, Viima) et même à la frontière du drone ambient (Donle), pour une musique aux mélodies bruitistes captivantes. Une couche supplémentaire de malaise confortable nous vient du chanteur Labalou Winse qui, entre deux soufflantes à la flûte, alterne entre spoken words et mélodies de chant aux rythmiques désarticulées. Comme il le dit lui-même sur Lago : « L’avenir appartient à celui qui se lève tôt ». À l’évidence, le power trio belgo-burkinabais est de ceux qui se lèvent à l’aube.
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Sun Kil Moon – One Day in May (Caldo Verde)
extrait : One Day in May
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L’artiste américain Sun Kil Moon nous a habitué à ses longues proses d’une dizaine de minutes sur des mélodies de guitare simples mais enveloppantes : The Greatest Conversation Ever in the History of the Universe (2016) avec Jesu, en contestation à la première arrivée au pouvoir de Donald Trump, ou encore le mémorable Duk Koo Kim sur son album Ghosts of the Great Highway (2002). Définitivement engagé, Mark Kozelek conte sur ce nouvel EP ses histoires, inspirées de ses observations de la vie et de la société américaine, d’un point de vue politique et social. One Day in May est l’une de ces compositions fleuve aux allures de poésie contemporaine : « I’m a lyricist » (« Je suis un parolier ») nous dit-il dans la chanson. Accompagné de deux autres titres (dont le très bon Black Sheep à l’ambiance presque tribale), l’EP One Day in May est une autre page du copieux journal intime de Sun Kil Moon, dont chacune est à écouter avec attention.
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Ugly – Twice Around the Sun (Autoproduit)
extrait : Sha
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On peut définitivement compter sur la terre d’Albion pour nous donner notre lot de divertissement et de féérie musicale. Cette année 2024, c’est le groupe Ugly qui s’impose en challenger de cette vague folk-o-foutraque, entendue chez les américains de @ ou encore chez les britanniques de Tapir!. Et pourtant, Twice Around the Sun est une bombe solaire jouant avec nos émotions et nos neurones (I’m Happy You’re Here). La bande avait bien préparé son coup : depuis 2017, les six membres d’Ugly chantent et composent ensemble, pour un aboutissement en 2024 qui sierra aux oreilles mélomanes. Sha et son accroche bouddhiste en japonais s’impose comme tube évident. Mais l’EP de 36 minutes nous livre également de beaux moments, comme l’inaugural The Wheel et ses voix entrelacées, ou encore Icy Windy Sky et son ambiance douce-amère nous rappelant This is the Kit (avec une dose de café en trop). L’intelligence d'écriture d’Ugly n’a rien de moche, loin de là ! On espère d’avantage de contenu de qualité de ce joyeux collectif.
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Ajate – Dala Toni (180g Music)
extrait : Iduchihemo
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L’afrobeat folklorique version Edo d’Ajate a encore fait des siennes en 2024 avec Dala Toni. Dans la suite des très bons Abrada (2017) et Alo (2020), le groupe poursuit avec Dala Toni son exploration à la fois traditionnelle et funky d’une musique japonaise d’un ancien temps (Maideso). Les gimmicks de guitares, fifres et percussions boisées se combinent dans une joie foutraque sur les textes en japonais du groupe (Iduchihemo en version n°2 du Kobockle d’Abrada). Une formule qui rend à la fois bien hommage au style de prédilection de Fela Kuti et aux mélodies du pays du soleil levant (Nagi Yoni).
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Anastasia Coope – Darning Woman (Jagjaguwar)
extrait : He is On His Way Home, We Don’t Live Together
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Anastasia Coope annonce la couleur avec ce premier album Darning Woman : l’artiste américaine ne cherche pas à faire dans le conventionnel ou l’attendu. En témoigne ce premier titre He is On His Way Home, We Don’t Live Together, sorte d’incantation de sorcière des temps modernes, emprunte d’une certaine force indépendante et d’une fragilité cousue des voix fantomatiques en échos de l’artiste et du piano classique les accompagnant… puis une guitare électrique saturée à la PJ Harvey casse l'ensemble et conclut le titre. L’ambiance est posée pour un Darning Woman (La femme repriseuse) aux pamphlets féministes (Women’s Role In War, Darning Woman). L’efficacité des mélodies de chant d’Anastasia Coope surpasse parfois les mélodies instrumentales de ses compositions (Return to Room). Et pour cause : l’artiste utilise sa voix comme une troubadour contemporaine, pour des chants en chœur et en canon (Woke Up and No Feet et son ambiance à la Animal Collective, What Doesn’t Work What Does). Une belle œuvre de l’américaine qui saura bousculer les idées reçues.
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Cuneiform Tabs – Cuneiform Tabs (W.25TH/Superior Viaduct)
extrait : Penitence My Lord
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L’étrange album éponyme lo-fi de Cuneiform Tabs ne semble pas s’inscrire dans une espace-temps en particulier : les compositions à la voix saturée et éthérée nous évoquent Suicide (I Think I Need You Tonight) ou Cleaners from Venus (Yesterday Is Nexus), là où certains titres prennent racine dans des influences multiples comme Broadcast (Penitence My Lord) ou Avey Tare (Healthy Reaction et ses deux facettes). Comme dans un voyage spatial entre ces divers espaces-temps (Wet Look Raga), le duo américano-britannique fait du neuf avec du vieux. Matt Bleyle et Sterling Mackinnon exploitent à fond les collages DIY et les mélodies instrumentales simplistes pour des compositions pop expérimentales à la beauté cachée (Space Crone, Gonged Fantasy). Un album résolument conçu pour planer loin de toute considération.
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Jerry Paper – INBETWEEZER (Stone Throw)
extrait : Scenic Route
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INBETWEEZER marque l’âge de la maturité pour Jerry Paper. Maturité de composition, tout d’abord : fini les compositions électro pop trop compliquées ! L’artiste adopte désormais une écriture harmonique plus lisible et qui n’est pas pour déplaire (A Song on the Tip of My Mind, Scenic Route). L’album regorge de belles idées rythmiques et mélodiques, tantôt douces et harmonieuses (Brown Thumb), tantôt dynamiques et lancinantes (Front Ear (My Bread)). Ayant fait sa révélation de personne non genrée à son public il y a quelques années, Jerry Paper a su conserver l'identité pop de ses débuts pour créer un album enveloppant et efficace (In Betwee). Avec ses 13 années de carrière, Jerry Paper continue de déployer son univers musical derrière son sourire grimaçant et ses lunettes si reconnaissables.
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MEMORIALS – Memorial Waterslides (Fire)
extrait : Lamplighter
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Après une longue période de hiatus à la fin d’Electrelane, Verity Susman est revenue en 2022 sur la scène musicale indé avec son projet MEMORIALS, en duo avec Matthew Simms, guitariste émérite pour le légendaire groupe punk Wire. MEMORIALS s’attelle tout d’abord à créer des musiques pour accompagner et illustrer des films documentaires (Tramps! et Women Against the Bomb), ainsi que d’autres projets et présentations artistiques. Après avoir fait les premières parties de Stereolab lors de leur tournée européenne de 2022 à 2023, le duo a commencé à travailler sur son premier album, Memorial Waterslides. On y retrouve des influences de pop kosmiche, héritées du célèbre quatuor féminin de Brighton (Lamplighter), mais également des compositions aux allures psyché 60's (Cut It Like A Diamond), ou pop d'avant garde (l’ambiance de Book Stall nous donne des réminiscences de Broadcast). Memorial Waterslides est un bon mélange des différentes épices et saveurs que peuvent nous servir MEMORIALS. Et on en redemande encore.
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Haruomi Hosono, Multi-interprètes – Hosono House Revisited (Stone Throw)
extrait : Boku Wa Chotto
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Quand on s’appelle Haruomi Hosono et que l'on a collaboré à la musique pop et électronique au Japon et de par le monde, on n’a clairement plus rien à prouver. L’artiste japonais a donc fait confiance à de nombreux groupes et artistes contemporains pour reprendre les titres de son classique premier album solo Hosono House (1973), dont la célèbre pochette le présente jeune avec de longs cheveux noirs et un air laconique. Ce sont donc d’abord des artistes japonais.es qui rendent hommage à ce pilier de la musique pop : Mei Ehara sur Jūsho Futei Mushoku Teishūnyū, le défunt Rei Harakami et son remix de 2005 d’Owari No Kisetsu ou encore Cornelius et sa version cotonneuse de Bara to Yaju. Ce sont également des artistes gaijin qui ont répondu à l’appel, comme Mac DeMarco et sa belle et sensible reprise de Boku Wa Chotto, le groupe coréen SE SO NEON avec Party ou le duo franco-américain de Pearl & The Oysters qui reprend sur Koi Wa Momoiro l’ambiance musicale originale proposée par Hosono et ses compères de Happy End. Et comme le hasard fait bien les choses, on retrouve Sam Gendel réinterprétant également Koi Wa Momoiro pour une version folk mélancolique en anglais nommée My Love is Peach-Colored, et Jerry Paper déploie sa pop électronique pour une seconde reprise de Bara To Yaju. Une belle célébration de Hosono House, ainsi que de la carrière et de l’influence de Haruomi Hosono, véritable force tranquille.
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Volutus – VOL5TUS (Volutus)
extrait : Wave Rider
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VOL5TUS est la cinquième compilation du label américain Volutus Records. Les artistes pensionnaires du label ont à nouveau collaboré pour des titres électro, ambient et IDM. On y retrouve Quiet Eye (Wave Rider) et JC Tascam (BRUTALISM). Mais aussi des artistes comme Topian Xome (Night Cam) ou la surprenante balade indie pop d’Otoliths (Motorik Shake). Volutus : une écurie décidément pleine de surprises.
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Papa M – Ballads of Harry Houdini (Drag City)
extrait : Thank You For Talking To Me (When I Was Fat)
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En tonton du rock indé encore en activité, David Pajo se devait de sortir un album à la hauteur des multiples groupes et artistes s’inspirant de sa prolifique carrière (en solo, mais aussi avec Slint et Tortoise). Utilisant depuis de nombreuses années maintenant le pseudo Papa M comme plateforme artistique, Pajo propose avec Ballads of Harry Houdini une certaine vision de son art. On y retrouve des titres post rock comme Barfighter ou l’inquiétant Thank You For Talking To Me (When I Was Fat). On y retrouve également des compositions plus classiques et chantées de sa voix fragile comme Ode to Mark White. Sans fioritures, le guitariste de formation exploite son instrument pour des compositions répétitives et enivrantes (People’s Free Food Program). Ballads of Harry Houdini est une nouvelle occasion de profiter du génie créatif de David Pajo.
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Yasu Cub – Room Without a Ceiling (Autoproduit)
extrait : Turquoise
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La vague de l'indie-rock à tendance emo des années 2000 fait son comeback ces dernières années ! On vous parlait déjà l’année dernière de Sign Crushes Motorist et des ses congénères américains biberonnés à Duster, Wilco ou encore American Football. C’est aujourd’hui un tour du monde qui s’opère avec Yasu Cub et leurs compositions pop rock avec la tête sur le côté. Après un premier album en 2023 (Highways) et un EP en début d’année 2024 (Elevator), leur dernier EP Room Without a Ceiling nous envoie des frissons nostalgiques dans le dos. Le titre Turquoise s’élève en hymne indie happy sad, tandis qu’Ancestor rend hommage au défunt grand-père du frontman Jacob Ōki Ahearn. Une belle réalisation donc pour cette jeune pousse qui on l’espère poursuivra cette vague revival dans leur pays natal.
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