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Florilège musicopathe

: #34 : Rattrapage 2024 (partie 2/2)



Dernière partie de notre rattrapage 2024, on essaie de boucler l'année en beauté et dans l'esprit de Noël avec cette sélection d'albums émouvants voire bouleversants...

Nilüfer Yanya – My Method Actor (Ninja Tune)

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Voilà un wagon du petit train de la hype "indie-pop-rock" auquel on s'est rattaché avec plaisir cette année : celui de la londonienne Nilüfer Yanya dont on avait loupé il y a deux ans son déjà fort prometteur album PAINLESS. La compositrice a su transformer l'essai en nous livrant un disque aussi impeccable et doucement tumultueux que son prédécesseur. My Method Actor est certainement un album plus apaisé dans l'ensemble, sa dynamique s'essoufle même un peu dans son dernier tiers, mais celui-ci n'hésite pas à donner de la niaque à des compositions dont l'enrobage pop (au sens mainstream du terme) pourrait rebuter. La musique de Nilüfer Yanya trouve sa richesse en étant tiraillée de toute part, remplie d'éléments soit disant disparates mais s'associant miraculeusement entre eux avec une cohérence percutante. Les compositions de My Method Actor sont traversées par une voix magnifiquement nu-soul, de remarquables envolées (Binding, Ready For Sun) et des guitares intempestives flirtant parfois avec le shoegaze.

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Laura Marling – Patterns In Repeat (Partisan)

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Autre chanteuse compositrice anglaise, qu'on ne présente plus pour beaucoup dans le milieu de la folk de ces dix-quinze dernières années, mais que j'avoue avoir découvert récemment via ce dernier album (shame on me !). Patterns in Repeat est sûrement ce que l'on appelle dans le jargon un.. chef d'œuvre. Après l'album de Julia Holter sorti également cette année (chroniqué ici), Patterns in Repeat est une autre œuvre marquée sereinement par une fraîche maternité et il est intéressant d'entendre ce que peut changer – ou non – cette thématique chez de grandes autrices. C'est donc avec une fille de quatre ans dormant dans la chambre d'à côté qu'a été composé ce Patterns in Repeat nous embarquant d'emblée dans l'épure d'une folk intemporelle enveloppée d'arrangements soyeux. Laura Marling écrit ici, pour sa fille comme pour nous, un ensemble de berceuses miraculeuses. Si les grands albums se mesurent parfois à une capacité simple, celle de nous faire monter les larmes, alors celui de Laura Marling est un très grand album.

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Tindersticks – Soft Tissue (City Slang)

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Si on ne compte pas l'album solo du chanteur Stuart A. Staples présent dans un ancien florilège de 2018 (Arrhythmia), il faut remonter à 2012 et le beau The Something Rain pour lire dans nos pages un texte sur Tindersticks. Je découvrais pour ma part ce groupe en même temps que la cinéaste française Claire Denis via le rude mais passionnant Trouble Every Day, les anglais signant toutes les bandes son de la réalisatrice (voir ce coffret) en se mettant parfaitement au diapason de ses différentes ambiances. On est particulièrement heureux de les retrouver cette fois-ci au service d'eux-même sur cet album avançant à pas feutré et renouant avec ce qu'ils savent faire de mieux, à savoir nous emmitoufler dans un cocon douillet et chaleureux. La magnifique voix tout en trémolo de Stuart Staples fait encore vibrer la corde soul et emmène la linéarité de toutes ces nouvelles chansons chamber-pop vers une sensibilité prégnante et parfois même féérique. Magique.

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Cabane – Brûlée (Cabane Records)

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Un an seulement après le petit sommet de raffinement folk pop qu'était Careful Of Your Keepers de This Is The Kit, nous retrouvons la précieuse Kate Stables chez Cabane, projet mené par le songwriter belge Thomas Jean Henri et auquel la compositrice anglaise avait déjà prêté sa voix sur l'album Grande est la maison (avec également l'amércain Will Oldham, rien que ça). Brûlée est le deuxième volet de ce que son créateur semble concevoir comme un triptyque et, peut-être d'avantage que son prédécesseur, érige la délicatesse et la mélancolie au rang d'art majeur en nous offrant des chansons une fois encore merveilleusement arrangées. Lyriques sans forcément être trop empesées, celles-ci emmènent les voix de Kate Stables et de Sam Genders (Tunng) dans des prairies acoustiques – et légèrement électroniques – aux couleurs doucement chatoyantes et aux émotions hypersensibles.

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The Cure – Songs Of A Lost World (Polydor)

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Parce que leur dernier excellent album remonte certainement à Wish en 1992, et avant lui leur dernier grand disque nous ramenerait même à 1984 (The Top), c'est peu dire que nous n'attendions plus grand chose des cultissimes The Cure en 2024. Retour maintes fois annoncé et moult fois repoussé depuis le décevant 4:13 Dream sorti il y a 16 ans déjà, Songs Of A Lost World était quasiment devenu l'arlésienne du groupe anglais, mais son attente fut clairement récompensée par l'émotion tenace qui nous assaille dès sa première chanson et qui nous tient tout du long. Avec sa longue introduction retardant l'arrivée du chant à la gorge nouée de Robert Smith, Alone pose d'entrée les bases d'un album qui se situerait quelque part entre le désenchantement romantique de Disintegration (1989) et une forme de panache – basses saturées, section rythmique pétaradante – laissant à penser que le groupe en a encore dans le moteur. Moins testamentaire qui n'y paraît donc (Robert Smith semble même lui annoncer deux successeurs avant ses 70 ans), Songs Of A Lost World est assurément une œuvre rare et précieuse faisant aujourd'hui de The Cure les plus beaux dinosaures du monde.

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The Cosmic Tones Research Trio – All Is Sound (Mississippi Records)

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Après cette sélection d'albums nous ayant mis du baume au cœur, ou l'ayant même transpercé pour certains, l'album de ce trio formé à Portland achevera de nous convaincre que cette année, pourtant bien chargée musicalement, a également su nous offrir des œuvres jazz d'une grande beauté. La beauté est sans aucun doute au cœur de ce All Is Sound faisant tournoyer tels des corps célestes le piano de Kennedy Verrett et le violoncelle de Harlan Silverman autour du saxophone de Roman Norfleet, compositeur dont l'univers spiritual jazz évoquera volontiers les méditations cosmiques d'Alice Coltrane ou de Pharoah Sanders (la pochette semble quant à elle convoquer Sun Ra). Les six pièces de cet album sont en tout cas fabuleuses, pleines de douceur et de volupté, presque sans âge. Celles-ci visent directement la pureté de l'émotion sans fioritures démonstratives et sans aucune couche de gras inutile, ce qui est quand même la marque des grands. Entre apaisement et recueillement, All Is Sound est un ange qui ne fait que passer.

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par Romain
le 31/12/2024

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1 commentaire

par Tang tang (le 08/01/2025)
Merci pour cet article. Et merci à dmute d'exister ! je ne suis pas revenu sur ce site depuis 2005 ou 2006, vous êtes dans mon coeur ! Bonne année à tous :)
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