Melos Kalpa – Melos Kalpa (Hands in the Dark)
.
.
Cette unique œuvre de Melos Kalpa enregistrée en 2019 est l'occasion d'entendre pour la dernière fois Tom Relleen, tête pensante du psychédélisme britannique de ces vingt dernières années et disparu en 2020. Ce quintette s'inscrit clairement dans la continuité du duo Tomaga qu'il formait avec l'excellente percussionniste Valentina Magaletti et poursuit la confection de pièces instrumentales dans lesquelles l'improvisation prédomine et confine à diverses formes de lévitation musicale comme en témoignent les 22 minutes sur orbite de sa composition finale (Melos Rythm et sa boucle hypnotique en cinq temps). L'album convoque ainsi les effluves électroniques de la kosmische musik, la métronomie robotique du krautrock (A Drifter With Purpose) ou encore les rêveries orientalisantes du psychédélisme (Motion Parallax qui n'est pas sans rappeler ce qu'avait composé Edouard Artemiev pour le chef d'œuvre Stalker de Tarkovski).
.
.
Tomin – A Willed and Conscious Balance (International Anthem)
.
.
L'une des dernières signatures du label de jazz chicagoan International Anthem (Jeff Parker, Irreversible Entanglements) rentre directement dans la cour des grands avec ce premier album ample et généreux (après la compilation de ses premiers enregistrements auto-édités Flores Para Verene). À seulement 27 ans, le compositeur et multi-instrumentiste new-yorkais Tomin Perea-Chamblee s'offre les services d'un septet de musiciens confirmés dont la symbiose est presque palpable, et nous livre une collection de morceaux faits d'ombres et de lumières, d'énergie groove et de sagesse contemplative. Point de raffut ici, A Willed and Conscious Balance oscille ainsi entre free-jazz et spiritual jazz et nous présente une musique douce et planante qui saura accompagner les dimanches pluvieux passés au coin du feu. L'album achève enfin sa course dans le spleen en reprennant la lancinante Man of Words du trompettiste Booker Little (1938-1961) et la sublime Humility in the Light of the Creator du saxophoniste Kalaparusha Maurice McIntyre (1936-2013).
.
.
Quade – Nacre (AD 93)
.
.
Originaire de Bristol en Angleterre, Quade est un quartette qui s'est formé pour tuer le temps lors du premier confinement de la pandémie et qui s'est progressivement attelé à concevoir une musique qui serait à l'intersection du post-punk, du krautrock et du post-rock (notamment celui du label montréalais Constellation), soit autant d'extensions très aventureuses de la bonne vieille formule rock. Trois années auront été nécessaires pour clôturer ce premier album ayant déjà presque tout d'un coup de maître. Véritable rollercoaster nous faisant traverser une palette d'émotions souvent sur le fil, Nacre est un album élaborant composition après composition un édifice fragile et protéiforme. Ce dernier trouve par ailleurs un bel équilibre entre les multiples influences sus-citées auxquelles on pourrait également ajouter la folk (Technicolour) et le dub (Piles Copse). Hélas passé inaperçu lors de sa sortie l'année dernière, Nacre mérite bien plus qu'un détour.
.
.
Postcards – In Parenthesis Vol 1. (Autoproduit)
.
.
C'est par le biais du magnifique album de la chanteuse libanaise Julia Sabra sorti en début de mois que nous découvrons son projet basé à Beyrouth Postcards via cet album provenant d'un passé où son pays n'était pas encore assailli par les bombes. Loin de la folk épurée de Natural History Museum, In Parenthesis Vol 1. baigne quant à lui dans une sorte de dream-pop évanescente mais reste toutefois sous-tendu par une gravité lui donnant une certaine profondeur faisant évoluer les compositions entre l'éther et le bitume. Dans ses moments les plus électrisés de l'intérieur, la musique quasi shoegaze du trio peut parfois évoquer le post-rock crépusculaire de Oiseaux-Tempête, groupe ayant d'ailleurs séjourné au Liban pour écrire son album Al-'AN (2017). Au vu de la situation géopolitique actuelle de ce pays en crise, nous ne savons pas encore à quoi ressemblera le volume 2 (s'il y en a) de cette parenthèse désenchantée, mais cet album constitue déjà un objet à la fois beau, âpre et fascinant.
.
.
Andrea Belfi & Jules Reidy – Dessus Oben Alto Up (Marionette)
.
.
À gauche nous avons Andrea Belfi, batteur italien ayant sorti de saisissants albums expérimentaux par le passé (Wege en 2012, Natura Morta en 2014) et ayant notamment suivi le célèbre pianiste Nils Frahm lors de sa tournée Nonkeen. À droite nous avons Jules Reidy, compositeur australien utilisant des guitares réaccordées à sa guise et évoluant dans des ambiances électro-acoustiques sophistiquées. La rencontre de ces deux-là ne pouvait produire que des étincelles et Dessus Oben Alto Up offre effectivement une expérience sonore assez inédite dans sa façon savante d'agencer de longs entrelacs d'instruments tantôt cristallins tantôt instables. L'album se termine soit dit en passant par l'un des plus merveilleux morceaux instrumentaux de cette année, Up et ses quinze minutes hautement immersives dans lesquelles de simples accords de guitare répétés machinalement vont progressivement se distordre et laisser transparaître une mélancolie latente. Rideau.
.
.
