Tout a déjà été dit sur
Portishead. Le troisième album tant attendu du groupe mythique de Bristol a été maintes fois annoncé, tenant les aficionados en haleine, la sortie sans cesse repoussée, mais voilà enfin
Third arrivé au terme de sa gestation.
Après le succès immédiat de
Dummy en 1994,
Portishead se retrouve propulsé dans le rôle d’ambassadeur de la scène trip-hop aux côtés de
Tricky et
Massive Attack. Le groupe confirme son talent en 1997 avec un album éponyme, et affirme toute sa maturité lors d’un concert à New-York, accompagné d’une trentaine de musiciens, rendu inoubliable par sa sortie sur Cd. Et depuis plus rien à part des spéculations et rumeurs. Seule
Beth Gibbons, chanteuse emblématique du groupe, fait un essai en solo en 2002, joliment titré
Out of season.
Alors quand arrive le moment où ce nouvel objet doit justifier son utilité en allant caresser la platine, son (heureux ?) possesseur sent monter en lui l’impatience, mais aussi la crainte d’être déçu. Comme une période de fricotage où l’on peine à conclure, par peur de se voir refuser l’accès aux lèvres de la promise (ou du promis). Et puis à un moment on se lance, sans savoir pourquoi, ni comment.
Que penser de
Machine gun, où le matraquage répétitif tranche cruellement avec la voix suave de Beth Gibbons ? Tellement minimal dans sa structure comme dans son contenu, qu’il résume à lui seul l’album. Difficile à la première écoute mais finalement pas si désagréable.
Portishead est un groupe qui invite à la mélancolie, pas seulement par la douceur du chant, mais paradoxalement grâce à une musique sombre et rugueuse. On pense inévitablement à
Archive, pour l’emphase de chaque morceau et la noirceur de l’ambiance. Sauf que les géniaux créateurs de
Londinium ont préféré surfer sur la vague du mauvais plutôt que de s’arrêter.
Third s’avère beaucoup moins électronique que ses frères aînés. Les pistes musicales sont simples et rarement évolutives (
Nylon smile). On pourra regretter les envolées de clavier et de cordes qui dominaient jadis les morceaux tels que
Mysterons ou
Roads et faisait pleurer le plus serein des hommes. L’album pêche par son penchant rythmique, où les douces mélodies n’ont plus leurs places, abandonnées au profit de guitares agressives comme sur
We carry on. Et puis il y a les Ovnis comme
Deep water duo entre Beth et un ukulélé.
Plus proche de l’album solo de Beth Gibbons, certains titres arborent une robe plus mélodique, à l’image du triste
The Rip, et ses arpèges de guitare quasi approximatifs, finalement relayés par un synthé bien amené. L’une des mes pistes favorite à n’en pas douter, mais qui pêche par son manque d’envolée finale.
Avec
Plastic, Portishead visite le registre de
Pink Floyd assez brillamment et bruyamment. Mais encore une fois, on ressort frustré par une brusque fin. A peine l’oreille a-t-elle le temps de s’adapter que le morceau s’achève. Un vin avec une forte accroche, une délicat aspect en bouche, mais qui ne tient pas le palais.
Que l’on aime ou pas
Third, nous ne pouvons que saluer l’audace d’un groupe qui signe son retour après une si longue période d’absence. Maturité oblige, l’album ne pouvait être du même sang que les précédents chef-d’œuvres.
Portishead a semblé produire une musique qui lui tenait à cœur, au risque de froisser ses fans, plutôt que de se terrer dans un immobilisme qu’on lui aurait reproché. Sans aller jusqu’à dire « bravo » j’adresserai un « bien vu. »
Chroniqué par
Camille
le 05/06/2008