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Littérature

: Livre: The House That Trane Built, The Story of Impulse Records



Ashley Kahn: The House That Trane Built : The Story of Impulse Records, New York, W.W. Norton & Co. Ltd., 2006.

Déjà auteur d’une étude consacrée à l’album A Love Supreme de Coltrane, Ashley Kahn publie aujourd’hui une histoire du label Impulse, créé en 1961, et dont Coltrane deviendra dans le même temps l’homme providentiel. En guise de titre, l’auteur choisit un surnom amené à devenir accroche publicitaire, donné à Impulse par les musiciens eux-mêmes dès 1967 : « The House That Trane Built ». Plus que parlant, ce choix implique trois caractéristiques essentielles du label : sa qualité de « maison », l’omniprésence de Coltrane en son sein, et, via une nouvelle utilisation d’un surnom déjà devenu accroche, la réflexion consacrée à sa propre image qu’a, dès ses origines, mis en place le label.




Fondée par Creed Taylor, ancien trompettiste devenu producteur pour le compte d’ABC-Paramount, la « Maison » Impulse inaugure son catalogue en 1961, au son d’enregistrements de J.J. Johnson, Ray Charles, Kai Winding, Gil Evans et Oliver Nelson. Déjà, les pochettes bénéficient d’une attention particulière : artwork soigné, packaging luxueux, et notes obligatoires. Celles signées Oliver Nelson pour The Blues and The Abstract Truth conseillent l’écoute de deux saxophonistes remarquables : Sonny Rollins, d’abord ; John Coltrane, ensuite, que Creed Taylor parviendra à débaucher d’Atlantic en lui donnant l’assurance qu’il pourra, près de lui, décider de tout. A cette époque, Coltrane montre un intérêt pour le grand ensemble : la sixième référence d’Impulse sera Africa/Brass, sur lequel il mène un nonnette altier et confie les arrangements à Eric Dolphy.




Coltrane installé, Taylor est recruté par le label Verve et cède sa place au producteur le plus emblématique que connaîtra Impulse : Bob Thiele. Venant de la pop, il travaille dans la continuité de Taylor, en établissant tout d’abord un rapport privilégié avec le saxophoniste. Acharné, il signe 25 enregistrements la première année, aux vues à chaque fois judicieuses : qu’ils voient le jour pour calmer les foudres des critiques à l’encontre des enregistrements de Coltrane et Dolphy en 1962 (Ellington et Johnny Hartman) ou poursuivent les efforts faits par Impulse pour défendre une musique davantage tournée vers l’avant-garde (Charles Mingus, Archie Shepp, Yussef Lateef…). A cet effet, Thiele se montre à l’écoute de Coltrane, qui joue alors le rôle d’un véritable directeur artistique – il sera, par exemple, à l’origine du premier enregistrement d’Archie Shepp malgré l’hésitation de Thiele – tout en continuant de signer des enregistrements aussi importants que A Love Supreme (1964) ou Ascension (1965). Dès 1965, Impulse devient sous l’influence de Coltrane le label accueillant le plus de jazzmen affiliés de près ou de loin au free jazz : Albert Ayler, Archie Shepp, Frank Lowe, Sam Rivers, Grachan Moncour III… S’il défend lui-même chacun de ces musiciens, attestant de leur qualité musicale, Thiele doit aussi faire avec les nécessités d’un commerce, et tempère son catalogue au moyen d’enregistrements de Pee Wee Russell ou Hank Jones, trouvant parfois un compromis entre deux conceptions ayant l’air de s’opposer, lorsqu’il signe Sonny Rollins.




La mort de John Coltrane, en 1967, sonne inévitablement la fin d’une époque à Impulse. Si Bob Thiele et Alice Coltrane s’entendent pour poursuivre la publication d’œuvres encore inédites du saxophoniste, la situation change au sein de la firme RCA à qui Impulse doit rendre des comptes. Thiele quitte la direction du label en 1969, non sans avoir décidé de l’enregistrement du Liberation Music Orchestra de Charlie Haden et avoir introduit Pharoah Sanders dans la place.




Premier des trois directeurs artistiques à succéder à Thiele, Ed Michel se charge de maintenir le lien unissant le label à l’avant-garde, produisant de nombreux disques d’Alice Coltrane, Archie Shepp ou Sanders, rachetant à Sun Ra les droits des disques qu’il produisait sur son propre label, Saturn, rééditant les succès épuisés de Coltrane, dans le même temps qu’il s’adonne à des tentatives de fusion entre jazz, folk et rock. Epaulé par le producteur Steve Baker, il suivra alors une pente plus commerciale, menant à la satisfaction d’un public aux goûts du jour ayant davantage à voir avec le rock. Le couple s’essaye à quelques fusions entre jazz, folk et rock, et donne à entendre pour la dernière fois de son histoire des musiciens d’avant-garde (Sam Rivers, Dewey Redman, Marion Brown, Gato Barbieri) avant de passer la main à Esmond Edwards (1975), qui voudra un Impulse plus accessible, quitte à le rendre fade.




En 1995, Impulse retrouvera son logo originel, noir et orange, apposé sur des rééditions CD respectant les premiers codes du label. Retour aux sources et meilleur moyen de présenter à un nouveau public les références d’un label audacieux et élégant, marqué de l’empreinte d’une des plus importantes figures qu’a connu le jazz. A côté de ces disques, Ashley Kahn propose aujourd’hui une histoire écrite avec intelligence, mêlant biographies précises, anecdotes et témoignages, parsemant son texte d’encarts sur deux pages consacrés à une sélection d’albums incontournables (du Genious + Soul = Jazz de Ray Charles à The Black Saint and The Sinner Lady de Mingus, de Four for Trane de Shepp à A Love Supreme de Coltrane) sortis sur Impulse, label aux allures de légende moderne, qu’il est impossible désormais de ne pas connaître.



par Grisli
le 12/01/2007

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