Ce nom ne vous dit sans doute rien. Pourtant,
Phaseone vient de sortir un album qui n'aurait pas fait tâche dans le catalogue de
Warp, entre
Flying Lotus et
Harmonic 313. Mais tout le monde n'a pas la chance de décrocher une signature avec le label londonien. Et pendant que certains, sans doute surestimés, attirent l'attention générale, d'autres croupissent dans l'ombre, sans avoir d'autre choix que de lâcher leur album gratos sur le net. On nous a rabattu les oreilles avec le pouvoir extraordinaire d'Internet. Soi-disant qu'à l'ère numérique, les artistes émergent grâce au plébiscite des gens de bon goût. C'est faire preuve de naïveté que de croire en ce cliché. Les labels continuent de faire les stars. Et les gens de bon goût... suivent ce que les labels de bon goût sortent. A chaque époque son fantasme. Hier, c'étaient les groupes de locdus (
Oasis) ou de bouseux (
Slipknot) qu'on faisait sortir de leur miséreux patelin pour fouler les planches des plus grandes salles de concert. Aujourd'hui, c'est le type que les internautes extirpent de son garage à clics de souris pour le propulser au devant de la scène. Lui seul et les internautes. Sans l'aide, évidemment, de ces méchants labels qui ne pensent qu'à leur compte en banque. Il faut concéder à Internet le fait d'avoir brisé les vitrines médiatiques traditionnelles. Mais le vendeur squatte toujours derrière la caisse. Et ce ne sont pas les internautes qui vont y changer quoique ce soit.
Phaseone, donc, cette occasion manquée de
Warp, a commencé modestement par remixer les groupes des gens de bon goût :
Burial,
Panda Bear, ou
Animal Collective – dois-je mentionner
Bloc Party ? Après un premier album sans grande importance, il propose
Thanks But No Thanks en
téléchargement libre.
Le son de
Phaseone est unique en son genre, ce qui, d'emblée, constitue un sérieux atout.
Phaseone bricole un espèce de breakbeat à partir de vieux synthés droit sortis des années 80. Un peu comme si
Principles of Geometry se mettaient au hip-hop. Hormis les passages plus ambients, les rythmiques oscillent entre abstract hip-hop et dubstep. Des bribes de chant sont parfois distillées au compte goutte, renforçant la touche mélodique déjà bien présente dans l'œuvre. Ecouter
Thanks But No Thanks procure un plaisir certain. Le plaisir de se laisser entraîner par des thèmes évidents. Des thèmes livrés dans un emballage neuf. Du neuf fait à partir de vieux.
Phaseone avait tout pour devenir hype. Mais les fabricants de goût de ne se sont pas intéressés à lui. Au moins, son album se laisse apprécier pour sa seule qualité ; pas parce qu'un A&R a décidé que nous avions le devoir de nous y intéresser. Peut-être qu'avec nos clics de souris, pourrions-nous espérer faire percer un peu de lumière à travers la porte de son garage, mais qui serait assez stupide pour croire qu'un mec puisse laisser son Macbook traîner quelque part derrière ?
Chroniqué par
Tehanor
le 31/08/2009