Robin Rimbaud aka
Scanner, on le savait, a plus d’une corde à son arc et fait même figure, bien souvent, de multi-activiste de l’électronica. Voilà que l’homme en ajoute encore une (de corde à son arc) en réalisant la bande son d’un spectacle de danse monté par la fondation des Arts Kunstraume et l’Opéra de Leipzig, autour des notions de pouvoir et d’histoire, une performance hybride avec trente danseurs des Ballets de Leipzig, des vidéos d’Axel Töpfer, et une scénographie de Lyuba Yanowski. Et bien sûr, l’intervention de première importance de la musique, d’où la présence de
Scanner.
Pouvoir du son / Son du Pouvoir, annonce le titre : voilà dessinée la dialectique entre la musique conçue comme outil de contrôle et sa portée subversive,
renversante, révolutionnaire.
Son projet, nous dit-on, conçu sous la forme d’une messe (d’où le titre), est alors d’accompagner cette fresque du pouvoir au fil de l’histoire, de matérialiser les forces antagonistes qui agissent sur scène : un projet moins musical à proprement parler que mutant, situé au carrefour de l’accompagnement fonctionnel de quelque chose qui, pour les simples auditeurs que nous sommes (à moins de faire le déplacement jusqu’à Leipzig pour assister à la performance), restera absente, et de la musique elle-même.
Ce qui apparaît d’emblée ici, c’est que
Robin Rimbaud tient avec une grande rigueur la ligne du projet, et propose somme toute assez peu d’expériences sur le son à proprement parler. Sa pièce s’ouvre (et se clôt) sur un morceau intitulé
Libera, où des bruits de pas guident l’auditeur à l’intérieur d’un espace scénique qui se veut avant tout politique, un espace de liberté collective, lequel devient très vite choral, puisque interviennent des voix d’opéras, des chœurs qui esquissent un drame purement sonore. Cette voix des foules est peu à peu balayée, biffée (c’est là que se situe le mouvement de cette bande son dans son entier) par des sonorités plus indéfinissables, où la voix cède l’espace à un ensemble de sons entre électronique et acoustique : que ce soient des nappes conçues par la réunion de sons de synthèse et d’instruments acoustiques (
Durufle) ou des fragments de textes démantibulés en cut-ups (
Tavern 100), tout le champ des pratiques sonores de
Scanner y passe, depuis l’ambient jusqu’à l’électronica en passant par le recyclage de sonorités ready-made. Le tout forme une voix multiple, un ensemble polyphonique proche, dit
Robin Rimbaud, de la musique sacrée ou religieuse, une pièce sonore qui se veut avant tout critique mais également collective, épique. Religieuse alors au sens où, peut-être, la musique peut fonder l’espoir d’une collectivité réelle et forte.
Scanner propose donc un disque assez à part dans sa discographie, qui s’éloigne un peu de ses précédents travaux de chimiste du son : une musique moins sensorielle, plus dépouillée, une
musique qui pense (sans ne faire que cela) et qui constitue une nouvelle facette inattendue du talent de
Robin Rimbaud.
Plus d’infos sur le spectale avec ce lien
Chroniqué par
Mathias
le 18/12/2005