Disque lourd et sombre, rageur et prenant, tout aussi bien que léger et comme vidé de la substance qu'il avait d'abord semblé contenir,
Doomsdayer's holiday est un disque qui, par bien des aspects, confine à la folie narcotique.
Littéralement sataniste et psychédélique,
Grails y fait entendre dans la construction de chacun de ses morceaux que les genres dont il s'inspire sont avant tout des fonds dans lesquels puiser pour en faire usage, non sans respect, mais avec l'intention manifeste d'en faire autre chose, quelque chose de personnel, de dépasser chacun de ces genres, tout en les maintenant audiblement, de s'en saisir pour ne jamais plus vraiment les rendre à eux-mêmes.
Le triptyque d'ouverture donne ainsi le ton et la multiplicité des voies (impossibles) à suivre. Rock lourd de
Doomsdayer's holiday, rock incandescent de
Reincarnation blues, pop salvatrice, légère mais ambiguë (presque maligne) de
The natural man.
Grails poursuit certes bien dans les traces laissées depuis
Interpretations Of Three Psychedelic Rock Songs From Around The World. Mais, ici, contrairement au précédent essai proposé plus tôt cette année (
Take refuge in clean living), tout semble plus accompli, plus maîtrisé encore, plus délirant, plus libéré. Ainsi de ces plages épiques que sont, chacune à leur manière,
Predestination blues et
Acid rain. Plages étirées vers l'éternité, aussi subitement éthérées que pleines, s'enroulant autour d'une idée, la développant, l'abandonnant, s'en emparant à nouveau, ne laissant guère percevoir de dessein clair, mais le suivant pourtant (comme on finit toujours par s'en apercevoir).
En conservant son intelligence et sa profondeur rythmiques (quel batteur !) tout en sachant faire entendre de claires unités mélodiques,
Grails renoue avec ce qu'il a fait de meilleur. En sachant alterner les climats (lourd / chaud / léger),
Grails va encore plus loin qu'auparavant et signe avec
Doomsdayer's holiday l'un de ses meilleurs disques.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 12/11/2008