L'évidence avec laquelle
Anthony Braxton multiplie les rencontres avec d'autres musiciens est une preuve : celle, irréfutable, d'une curiosité intacte qui a souvent abandonné les personnages de sa stature. Persuadé,
Braxton sait que tout échange peut lui apprendre. Confiant, le voici aux côtés de
Milo Fine, jeune improvisateur touche à tout, dont la singularité ne fait aucun doute pour qui la guette de ce côté-ci du jazz.
Aux saxophones de
Braxton,
Fine opposera clarinettes, piano ou batterie. Le décor planté, reste à passer à la pratique d'improvisations en règle. De legato profitant des permissions en expérimentations sur un ténor fait matériau,
Braxton modèle avec emphase les phrases intuitives. Canalisées, les voici plus convaincantes que si elles s'étaient imposées d'elles même, prétextant l'exclusivité d'une intuition intouchable. L'expérience, voilà tout.
Au piano,
Fine accompagne les progressions de son aîné au son d'accords hésitants (
Part 3), soutient, concentré, l'avancée du funambule sur des édifices à étages (
Part 5), ou déploie une fougue incandescente qui divertit le saxophoniste dans son attente de la venue du dernier souffle, qui sera, forcément, le plus radical (
Part 8). Lorsqu'un marteau démotivé engage au changement d'instrument,
Fine choisit la batterie pour couvrir d'éclairs le parcours sinueux sur lequel serpente son partenaire (
Part 9).
Plus tôt, il avait déjà exprimé des états d'âmes percussifs, exposés pour contrer les accès rauques d'un
Braxton en majesté (
Part 4). Envahissant, forcément, mais que
Fine ne peut qu'approuver, au timbre de clarinettes qui participent bientôt à une perturbation de vents arides (
Part 6). En guise de conclusion, elles poseront des aigus extrêmes sur les graves éreintés du ténor, dernières interrogations rageuses d'un dialogue que l'on souhaite insatisfait (
Part 11). Non pas d'avoir été stérile ; plutôt de ne pouvoir poursuivre l'expérience plus longtemps.
Chroniqué par
Grisli
le 25/04/2005