Sa biographie officielle se plaît à le rappeler:
David Fenech est né en juillet 1969, alors que Neil Armstrong faisait ses premiers pas sur la Lune. Plus que le fruit du hasard, cette coïncidence cosmique devait forcément présager d'un destin intersidéral et iconoclaste. De toute évidence, le parcours de
David Fenech est à l'image de sa propre musique : labyrinthique et sinueux. En l'espace de dix ans, cet artiste français inclassable aura frayé avec les institutions les plus prestigieuses de l'avant-garde (l'
IRCAM, le laboratoire
Steim, ou le
GRM) et se sera essayé à un nombre incalculable de média et de genres différents : musique concrète, pièces électroacoustiques ou improvisées, jazz, rock, bandes originales de film et installations sonores. Ses collaborations sont aussi multiples et déroutantes ; il aura par exemple croisé la route de
Tom Cora,
Rhys Chatham,
Bérangère Maximin et plus récemment celle de
Ghédalia Tazartès et
Jac Berrocal pour un album haut en couleur (
Superdisque sur le label
Sub Rosa). L'homme est aussi polyvalent : chroniqueur musical pour les magazines Chronic'art et Revue et Corrigé, il possède son propre label, Demosaurus, et y publit les disques de
Ghédalia Tazartès,
Frank Pahl ou
Yximaloo. Tout ceci explique cela : sa liberté, ses élans à bâtir une musique cubiste et fauve avec une touche de naïf cauchemardesque.
Comme un retour au source et un clin d'oeil à l'histoire,
Felix Kubin via son label
Gagarin records (oui, comme le premier cosmonaute russe) réédite en 2013 le premier album de
Fenech, intitulé
Grand Huit et paru initialement sur la défunte maison
Tout l'univers en 2000. Tantôt tribal voire glauque, tantôt joyeusement délirant,
Grand Huit se joue des formats classiques pour explorer les formes sans cesse imprévisibles d'un jazz rock improvisé. On passe l'OVNI en revue.
On démarre sur
Petit huit qui ressemble à un doux délire funky de
Kim, l'autre Français libre.
Confieso que he vivido, comme un miaulement humain, est une recherche sonore au beau milieu de paroles capturées à la façon de
Dominique Petitgand.
Mister master est une élucubration de tuberculeux parcourus d'expectorations aussi grasses qu'
Alvarius B, façon cabaret
Tom Waits.
La folie touche à son comble lors du
Lâcher de lucioles...une douce injection qui commence à faire son effet, un manège perdu et interminablement toqué.
Fenech est cinglé, autant que le
Père Ubu, la preuve,
Boeuf bourguiba /
Opera en toc embraye avec un blues ubuesque.
Jaune d'oeuf émeut dans sa joie ronchonneuse.
Sur
Le petit soleil, on découvre la même voix qu'
Ignatus ou
Flop…encore d'autres fous joyeux de par ici, sur une musique qui sonne comme
La fossette de
Dominique A.
Grand huit nous ramène à la vie debout, avec ce formidable déhanchement funk torride.
Solaris, dramatique, et
Heeels, irréversible, sont deux moments de bidouillage habité.
Coralingo,
Love that feel.... Ce mec avec sa vision sonore déglinguée, est aussi dingue que
Daniel Johnston, ou
Danny Cohen.
Expérimentations, esprit punk, liberté foutraque sombre,
David Fenech est un casseur de portées, un brouilleur de format. Il neige des flocons fluorescents sur cette pochette surprise dans laquelle je me prends à piocher très souvent, pour contempler la folie multicolore d'un asile d'artistes libres.
Grand Huit est un disque large, sans barrière aucune. Une pilule acidulée qui plonge dans un coma ultra décalé, un trip coloré.
Chroniqué par
Charlu
le 15/02/2013