Michael Pisaro est un des membres les plus importants – à mon goût du moins – du collectif
Wandelweiser, aux côtés de
Jürg Frey,
Manfred Werder,
Antoine Beuger et
Radu Malfatti. Un collectif qui attache énormément d’importance à l’intégration de l’improvisation dans les compositions ainsi qu’au silence. Un collectif d’inspiration profondément Cagienne donc. Pour cet album disponible en vinyle et en version numérique, le guitariste et compositeur américain propose une étonnante suite de chansons. Il ne s’agit pas de lieder à proprement parler, ni de chansons pop ou folk, ni d’expérimentation vocale, ni de musique populaire ou savante, et il s'agit de tout ça en même temps.
Sur
Tombstones,
Pisaro nous propose bien une suite de chansons, écrites en intégrant les techniques de compositions habituelles (habituelles pour Pisaro j’entends). A savoir, une écriture à partir de grilles qui laissent une grande marge de liberté aux interprètes, et une grande place accordée à l’aléatoire, au son des instruments ainsi qu’au silence en tant que son lui-même, du moins en tant phénomène non-acoustique qui possède la même présence que le son et les notes. Chaque chanson est composé selon une forme précise où des séquences sont répétées une fois au moins, beaucoup de formes classiques AABB, et de structures simples qui rappellent facilement de nombreuses influences populaires. On reconnaît également l’apport de la musique savante occidentale à l’instrumentation d’un côté (trois chanteuses, un harmonium, une guitare – électrique ou frottée par un archet, une flûte), mais également dans la méthode de composition. Car la forme est réduite au strict minimum, et ce qui se passe à l’intérieur de chaque séquence est comme étiré. Les phrases sont longues, souvent non rythmées, de nombreux silences parsèment ce voyage dans la pop expérimentale. Des chants lyriques, exceptionnellement expressifs et souvent mélancoliques, accompagnés par des accords interminables et tendus, ou par des instruments pointillistes. Les résonances et les silences remplissent l’espace, et contribuent à la forte charge émotionnelle de chaque chanson, déjà magnifiée par les quatre chanteuses-interprètes (
Janet Kim,
Julia Holter,
Laura Steenberge et
Lisa Tolentino).
Un grand moment de magie, où la chanson, qu’elle soit pop, folk, ou blues est replacée dans un contexte expérimental et savant qui plonge l’auditeur dans une situation d’indétermination onirique. C’est beau et méditatif, émotionnellement chargé et puissant, interprété et enregistré avec rigueur, écrit avec une singularité audacieuse, une musique qui s’inspire de tout et ne ressemble à rien. Hautement recommandé. Un de mes albums préférés pour cette année.
Chroniqué par
Julien Héraud
le 30/12/2012