Megafaun n’avait pas emporté de grands suffrages lors de notre première rencontre au
Point Ephémère alors qu’ils se produisaient en première partie d’
Akron/Family. Et l’écoute qui suivit de leur premier album n’avait pas inversé la tendance. Avec ce nouvel
ep, le trio vient de trouver sa voie en s’appropriant le genre et en offrant une nouvelle lecture du répertoire immortalisé par leurs confrères d’
Akron Family.
Heretofore offre un format court, un peu plus de 20 minutes pour 6 titres, une écriture concise pour une série de titres rassemblant la substantifique moelle de ce trio basé en Caroline du Nord. Si le groupe marchait avec une démarche véritablement scolaire en empreintant les pas de leurs aînés, cet opus offre un panorama entre expérimental et balades folk décomplexées. A l’image du titre d’ouverture qui marque déjà la tendance. Ici les chœurs marquent le la, au pas d’une rythmique faisant office de métronome. Les sonorités électroniques hantent ce titre et donnent au groupe une épaisseur et une certaine originalité dans le propos. On est d’emblée sous le charme et ce n’est que le début. Un titre aérien et vaporeux qui s’éteint comme il a débuté sans esclandres mais en laissant une sensation de paix christiques (il faut voir l’allure du batteur pour vite faire le rapprochement avec celui qui multipliait les petits pains à volonté pour ses condisciples). Et c’est là que le groupe fait fort en débutant cet
ep avec une prière incantatoire peuplée de moments de flottements bruitistes.
S’en suit le titre
Carolina days qui nous installe dans le fauteuil d’une vieille fourgonnette aux allures cabossées et qui nous donne envie de laisser le paysage défiler à la vitesse d’un tracteur. Un folk rock classique et foncièrement
vintage du plus bel effet. Un moment de pause qui pousse l’envie d’appuyer sur le champignon et de se perdre vers l’horizon. Un tube qui donne envie de reprendre à tue-tête le refrain jusqu’à se défragmenter les amygdales dans une casse automobile. On l’aura compris, le groupe joue avec les classiques, on pense parfois aux
Eagles, à
Creedance Clearwater Revival, sans pour autant hurler au plagiat, mais avec le bonheur de se laisser aller à la chose.
Place à
Eagle qui propose un trait d’union entre
Devendra Banhart et les excellents
Skeletons (écoutez au passage leurs excellents albums
Money), un chef-d’œuvre dans le genre folk jazz déglingué des plus réjouissant). Là aussi l’enthousiasme est toujours en place dans ce titre qui installe des boucles répétitives et bancales au plaisir (piano, xylophone, saxophone et tout ce qui traîne à portée de main). Après avoir fait le lien entre le folk et le rock, le groupe propose d’en faire de même avec le jazz et le folk. Pas de problème la sauce prend toujours aussi bien. C’est fin, c’est espiègle et ça se finit en chœur avec les amis. Parfait.
Volonteers quant à lui offre un hommage en s’inspirant du répertoire de leurs amis d’
Akron/ Family au son du banjo. Une ritournelle qui sent bon le foin et qui donne envie de se perdre dans la forêt ou de tenir un arbre par la main…
Comprovisation for Connor Pass (la plus haute montagne d’Irlande) est le sommet de cet
ep. Le jazz rencontre la country. Une rêverie musicale entre ballade contemplative et dédales expérimentaux. Un petit chef-d’œuvre où guitares et saxophone sombrent dans une spirale de folie douce et nostalgique. Et quand le tout glisse vers une douceur baignée par les cordes, ce n’est que pour mieux installer un final tout en subtilité en intensité. Du grand art qui rappelle le travail de
Rachel’s. Une spirale répétitive qui tourne sur elle-même à l’image d’une tornade au crépuscule de sa vie, et en contrepoint une nature qui semble renaître et reprendre son court.
Le groupe reprendra le banjo pour un final tout en douceur. Violons et vrombissement sont en contrepoint et laissent un sentiment de béatitude. Une célébration de la nature et le chef-d’œuvre d’un groupe qui vient d’éclore en cette fin d’année 2010.