Voilà une nouvelle que Stevenson n’aura pas écrite : celle de l’étrange cas du docteur Marc Richter et de Mr.
Black To Comm. Pas besoin de dessin, les deux ne font qu'une seule et même personne. Marc Richter est Hambourgeois dans le civil et patron du label
Dekorder. Label aussi secret que select puisqu’il compte parmi ses hôtes des personnalités aussi enthousiasmantes que
Machinefabriek,
Stephan Mathieu,
Felix Kubin ou très prochainement
Guiseppe Ielasi. Ca méritait d’être signalé.
En tant que
Black To Comm, Marc Richter nous a offert depuis 2006, en plus d’une armada de maxis et d’une collaboration remarquée aux côtés de
Machinefabriek, trois albums sortis sur son propre label. Mais de façon inattendue, et c'est là qu'est l'étrange, ces albums n'ont jamais offert plus qu'un ambient ronronnant aux références souvent trop évidentes. Frustrant. Surtout, quand en filigrane on pouvait y déceler un véritable potentiel. Qu'en est-il alors de cet
Alphabet 1968 ? Pour être honnête, je ne m’y serais sans doute pas attardé si il n’était sorti sur le très recommandable label
Type Records. Mais les apparences sont parfois trompeuses...
Pour couper court à tout suspens,
Alphabet 1968 est un disque aux multiples visages, tour à tour désopilant, déconcertant, étonnant puis décevant. Si la maîtrise technique, chose un peu bâtarde certes, est au rendez-vous, le disque pèche fondamentalement par son manque de cohérence. A force de multiplier les atmosphères et les citations en forme de démonstrations musicologiques,
Alphabet 1968 tombe dans le piège du catalogue, ou pire : du petit précis d’ambient music des années 2000. Ainsi, la pièce introductive
Jonathan tape dans le dark ambient et le field recordings avant de virer au son du piano de la finlandaise
Jonna Karanka (alias
Kuupuu) dans une sorte d’
Aloof Proof hitchcockien (rebelote sur
Amateur).
Forst quant à elle dit mot pour mot ce qu’on a déjà entendu en mieux chez
Gas. Puis vient un court interlude folktronica aussi fantaisiste que surprenant (
Rauschen et
Musik für Alle), parfait exemple de rupture de ton auquel l'album nous habitue tout du long. Enfin d'autres pistes, elles, évoquent de façon confondante
Machinefabriek, ou
Fennesz (
Traum GmBH). La liste étant je crois non-exhaustive.
Il manque une âme à ce disque. Pour preuve
Alphabet 1968 ne va jamais au delà de la prouesse technique et de la citation à de rares exceptions près : le symphonique
Hotel Freund aux ambiances de conte filmique, et les drones de
Void à la
Sunn O))), rehaussés habilement au son d’un mælstrom de cuivres et de samples en tout genre.
Alphabet 1968, s'il s'avère être au dessus de la moyenne, a de quoi déconcerter son auditoire. A vous de juger.