Et si derrière le portrait de l’homme de l’année 2009 se cachait la chevelure ébouriffée d’Emmett « Doc » Brown ? Que ce soit
The Field,
Etienne Jaumet ou
Arnaud Rebotini, nombreux sont ceux qui cette année ont choisi d’opérer un retour vers le futur, un voyage à rebours vers les fréquences originelles, celles des synthétiseurs analogiques que la révolution numérique pensait avoir mis au rebus définitivement, pour nous fredonner une nouvelle version de la chanson de Roland. Après tout, ce n’est pas dans les vieux pots que l’on fait la meilleure soupe ?
On ira pas jusqu’à parler de tendance mais on constate tout de même qu’en 2009, plusieurs musiciens électroniques sont allés chercher l’expérimentation en délaissant l’interface de leur ordinateur pour replonger les mains dans les potards. Comme si on retournait cueillir des mûres sauvages dans les champs pour faire une confiture à l’ancienne.
Le duo américano-germanique de
Reagenz en fait partie et celui-ci n’est en est pas à son premier fait d’arme rétrofuturiste puisque leur premier album sorti il y a 15 ans (rien entre temps) avait déjà été conçu uniquement à partir de matériel analogique. Egalement signé chez les esthètes de
Smallville et pote de
Lowtec,
Move D accompagné de
Jonah Sharp poursuit au sein de ce duo le travail entamé le siècle dernier.
Naviguant entre deep house, house, ambient et electronica - le tout en seulement 7 titres -, l’album possède un relief étonnant, creusé par la créativité et la recherche constante de nouvelles surfaces. Aux antipodes d’un son minimaliste rigide et froid, la base analogique des différents claviers apporte une luxuriance sonore et enrichit le paysage de fréquences qui nous replongent dans la proto-techno.
Le duo se livre ici à une joute musicale sans filet, développe un sens de l’équilibre précaire qui renforce les liens parfois oubliés entre la musique électronique et le jazz. D’ailleurs, on retouve avec plaisir au gré de
Dinner with Q ou
Keep Building, l’apport d’instruments tels que la guitare, la contrebasse ou le Fender Rhodes qui confèrent une chaleur à l’ensemble. Le travail effectué sur les ambiances est remarquable à l’instar de ce qu’
Etienne Jaumet a pu faire sur
Night Music, comme quoi ces vieux claviers semblent rouvrirent des brèches que l’on avait peut-être fermées trop tôt.
Avec
Playtime,
Reagenz nous livre une musique contemporaine, incroyablement vivante et fascinante. Généralement associée à un esprit visionnaire et défricheur, la musique électronique semble en cette fin 2009/début 2010 vouloir se ressourcer, revenir vers ses racines. Une quête identitaire aux vertus de fontaine de jouvence.
Chroniqué par
Damien
le 08/01/2010