Chantre d'une fusion, cousue parfois de fil blanc (son dernier opus,
NY Muscle, n'ayant effectivement pas fait dans la grande broderie), entre évocation charnelle et moite de la house des origines et roideur esthétique de l'électro teutonne, c'est avec un double album que
Hell (quid du titre de Dj ?) revient sur le devant de la scène. Avec cette envie, qu'on lui sait chevillé au corps, de prouver au monde que la fidélité est une valeur sure. Du moins quand il s'agit de choix artistiques.
Oui, quoiqu'on en dise, ce gars a une ligne de conduite, et s'y est toujours tenu : coûte que coûte, inscrire en lettres d'or son nom au panthéon intergalactique de la musique électronique. Et si la route reste encore longue, ce
Teufelswerk pourrait bien lui permettre d'avancer de quelques bornes. L'honnêté payerait-elle ?
Au-delà d'une distribution exorbitante, de la production (
Christian Prommer,
Peter Kruder,
Roberto Di Gioia n'en jetez plus !) aux featurings 18 carats (
Lemmy (!),
P. Diddy et
Bryan Ferry), qui, sur le papier glacé d'une jaquette qui fait mal aux yeux (rhaa ce jaune !) laissait plus que songeur,
Helmut n'a pas lambiné en chemin. Scindant "son" parcours en deux temps/deux mouvements -
Night and Day - c'est "sa" vision de "sa" techno qui est pressée là dans cette opposition ancestrale.
D'un côté la prépondérance du dance-floor servie par le noir de la nuit - ou l'inverse c'est selon - avec quelques morceaux de bravoure plutôt bien sentis (
Electronic Germany et l'apport intéressant d'
Anthony Rother, l'acide et vrillant
The Disaster, l'hypnotique et mordant
Hellracer) dans ce registre si "singulier", cette marque de fabrique maculée de techno nourrie aux stéroïdes (le martial et quelque peu fatiguant
Bodyfarm 2 en est un bel exemple).
De l'autre la prédominance du voyage cosmique, le jour qui se distingue à travers les stores, le vide spatial et les corps en apesanteur. Des affinités et une certaine dose de finesse qu'on était loin de soupçonner chez notre entertainer. On dépasse ici le cap du simple tour de force. Avec moins d'hormones et plus de références (le krautrock,
Kraftwerk, le
Floyd...), ce deuxième disque recèle nombre d'idées lumineuses (ces interludes torturés et fantomatiques), de vrais coups d'éclats (
The angst, gros trip psychédélique, l'inquiétant
Hell's Kitchen) comme de drôles de surprises (une version orageuse et sensuelle du
Silver Machine des space-rockers d'
Hawkwind où le sieur
Kilmister laisse le micro à quelques succubes bien aguichantes, dont semble-t-il
Billie Ray Martin déjà croisé chez notre Gigolo).
S'assumant égotiste quand d'autres se disent personnels, obsessionnel et exubérant quand certains se revendiquent habités,
Hell n'a jamais caché ses travers, en rajoutant souvent des tonnes. Et jamais, face à tant de morgue, on a eu la sensation d'être devant un artiste si ce n'est essentiel, du moins remarquable, comme c'est le cas aujourd'hui avec ce dernier "ouvrage satanique". Pourvu que ça dure, ma foi.
Chroniqué par
Yvan
le 23/04/2009