A ce rythme-là, a-t-on envie de dire, il fallait bien que ça arrive. Il fallait que ça lâche ou que ça craque à un moment ou à un autre. Eh bien, ça a craqué. Après deux
EP imparables et deux
LP qui ne l'étaient pas moins parus en quelque deux ans,
Té semble sinon s'essouffler, du moins se perdre en essayant, démarche au demeurant louable, de se renouveler.
Ce n'est pas que
Té s'essouffle : les premiers titres de
Mashite Kokoro To Gokan Ga Icchi Surunara Subete Saijou No Ongaku Ni Henzuru en attestent qui rappellent la qualité des précédents disques : qualité rythmique et mélodique, capacité à varier les tempi, à changer de formes au sein d'un même paysage sonore, rugir et exploser et s'apaiser d'un coup sans que la moindre solution de continuité ne se soit faite entendre. Mais : adieu la belle homogénéité qui régnait auparavant et dont les quatre premiers morceaux n'étaient hélas ! que le souvenir. En cherchant de nouvelles voies,
Té ne réussit en fait qu'à retrouver le commun des mortels. Or, si celui-ci n'a rien d'inaudible, il est en revanche plus ordinaire, moins réjouissant. Et, surtout : il peine à convaincre. Comme cette ébauche de morceau qu'est
Shihatada Yameru Tamashii No Shoyuusha to Kodokusha Tono Sabishii Nagusame Dearu incapable de trouver le moyen de développer son idée et de conclure correctement après avoir laissé les guitares étouffées de delay dialoguer. Ou encore, ce qu'il faut bien appeler la lassitude binaire qui s'installe dans des morceaux comme :
Imi No Aru Meguriai Wo Motomezu Deai Ni Imi Wo Mitsuketeiku ou
Uta Wo Utatte Nemurareseyaritai Dareka No Katawara Ni Suwari Utatteitai qui se limite à dérouler le fil qu'il a à peine tissé. Et, si la sauvagerie hors-normes de
Buroung Zou Sanmou Tou Hau Yon Thinsan She Sou Zu Min Woue Ziyuu Toiu Kyouhaku viendra redonner des couleurs à ce qui ne laissait pas de ternir l'image que l'on s'était fait de
Té, elle sera tout de même bien insuffisante.
Au final,
Mashite Kokoro To Gokan Ga Icchi Surunara Subete Saijou No Ongaku Ni Henzuru, à défaut d'être un bon LP aurait pu faire deux EP : l'un, excellent, de mathémotique pure et l'autre, qui ne déplaît à vrai dire pas, mais ennuie et surprend désagréablement, laissant redouter la perte d'un groupe que l'on aura pourtant tant aimé.
Chroniqué par
Jérôme Orsoni
le 31/01/2009