Liam Farrell est une espèce d'homme de l'ombre omnipotent dans le paysage musical français. Hip-hop, electro, jazz ou chanson, ses compétences s'exercent dans des domaines tellement éloignés qu'il devient difficile d'en isoler la signature. A tel point qu'à l'heure de parler de ce talentueux batteur et producteur, il est plutôt question de listes et de palmarès que de propos esthétiques. Au grand réconfort des non-initiés, on n'y résistera pas. Ecoutez plutôt : Après avoir tenu les baguettes pour
Rita Mistousko,
les Wampas ou
FFF,
Doctor L s'est brillament illustré à la production pour
Assassin,
Rodolphe Burger,
Bumcello,
Bashung ou encore
Tony Allen, avec qui il a monté le projet afrobeat
Psycho on da Bus. Cela a certes de quoi impressionner, mais comme dirait l'autre, la vérité est "higher", dans l'identité musicale même de cet artiste-savant perfectionniste.
Ce nouvel album solo en est l'illustration parfaite. Comme le titre vous l'aura déjà indiqué, tous les morceaux ici présents sont des ébauches oubliées sur un disque dur, et provenant donc d'époques, de collaborations ou de projets différents. On trouve par exemple des chutes des disques de
Kactus Hunters ou
Rare Moods, aux côtés des travaux individuels du docteur. Tout ce matériel a donc été repris, remixé et réagencé dans un mix de 70 minutes. Le tour de force résidant dans le pari, réussi, de faire sonner ce rapiéçage comme un ensemble cohérent. Et donc de dégager, de mettre en lumière, la marque de fabrique, le groove si particulier de
Doctor L. Un son dense et clair aux séquences alambiquées. Des textures et un grain originaux que l'on peine à décrire. Une espèce de moiteur sèche, en quelque sorte, comme les émanations du bitume chauffé à blanc par le soleil estival (écoutez donc
Kind of Dry, qui porte fort bien son nom). Craquements divers, voix soul vocodées, rhodes ou guitares distordus et flûtes fugitives constituent le principal de l'arsenal mélodique, évoluant au fil de décors downtempo.
Une musique pas forcément évidente à assimiler de prime abord, de par sa richesse et sa relative complexité. Mais pour peu qu'on s'y engouffre, le voyage en vaut la peine. Sans se détacher du reste de sa discographie, en terme de qualité,
Forgotten Tracks from the Hard Drive constitue une excellente porte d'entrée à l'univers de
Doctor L, et saura tout autant séduire ses adeptes, déjà acquis à sa cause.
Chroniqué par
Rafiralfiro
le 18/09/2007