Habituellement perfectionniste et gourmand en temps (souvent deux, trois ans) lorsqu’il s’agit de publier ses travaux – et ce malgré une discographie conséquente –
Keith Fullerton Whitman publie cet enregistrement d’un concert donné à Lisbonne, sobrement intitulé
Lisbon (le lieu parle seul, dans la musique).
A l’écoute, l'enregistrement semble dans la parfaite continuité des récents travaux, mais il y a de notables différences. Première chose,
Lisbon est comme un écho amplifié en temps réel de l’essentiel
Twenty-two Minutes for Electric Guitar. Même déploiement courbe du son, même fluidité des textures, même complexité verticale de la matière sonore et du jeu des harmoniques, où s’imbrique toujours plus de sonorités et de couches diverses sans que jamais la composition ne perde en mouvement, en dynamique. Seconde chose, l’écriture se fait bien moins sentir que dans
Multiples ou
Playthroughs, par exemple (et pour cause, il s’agit d’un live) : malgré la précision du son et le laptop, c’est bien à une musique improvisée que l’on a affaire ici, rappel des glorieux enregistrements de Fenn O’Berg, maîtres étalons de l’improvisation sur laptop. Troisième chose, la guitare est bien moins audible que dans d’autres productions, et si son apport est bel et bien sensible (le mouvement de
Lisbon est identique à celui de
Twenty-two Minutes for Electric Guitar), elle s’efface derrière la subtile mécanique informatique et les patchs Max / MSP.
Choses de peu de poids au regard de la beauté déconcertante de ce disque.
Lisbon est bien loin en avant des menées offensives des précédents albums, plus encore de la musique de
Hrvatski, son autre pseudo. Peu à peu, à mesure que le son s’affine et se décante, ne demeure de la musique qu’une sonorité lumineuse. Œuvre complexe et dense qui s’épure peu à peu,
Lisbon tend tout entier vers son finale en mode majeur absolument radieux, éblouissant de splendeur. Et complète idéalement une œuvre toujours plus essentielle.
Chroniqué par
Mathias
le 09/08/2006