Deux ans après un premier essai déjà bien fichu,
Espers revient avec un second album de toute beauté. Pour
II, le groupe s'est enrichi de trois membres et d'autant de talents, ce qui lui a permis de fouiller davantage ses compositions, de s'engager plus loin dans les voies fréquentées avec
Espers. En découle un album plus profond et plus riche, qui travaille au corps ses influences folk, ses siècles de musiques anglo-saxonnes, pour s'en dégager sans les renier.
Si l'étiquette "folk" pourrait encore être épinglée à la musique d'
Espers, elle ne suffirait plus – à vrai dire elle ne suffisait déjà pas pour
Espers – à l'appréhender entièrement. Le sextet de Philadelphie se situe bien au-delà du folk et participe à un certain renouvellement de ses formes, ce qui ne signifie pas qu'il joue sur la même scène que
Animal Collective,
Danielson et tous les groupes américains qui entreprennent depuis quelques années de ravaler à coup de barres à mine la façade sclérosée des musiques populaires. Plutôt : si le terme n'était pas si galvaudé, on s'aventurerait peut-être à employer le préfixe "post" pour nommer ce qu'on entend sur
II.
Jamais en dessous des cinq minutes et atteignant parfois les neuf, les morceaux prennent leur temps et laissent une large place aux instruments. Si les percussions ne sont pas en reste – le groupe aligne batterie, dholak et dumbek –, l'album offre une belle part aux cordes. On y trouve violoncelle et dulcimer mais surtout des guitares acoustiques, souvent en avant, dont les lignes mélodiques se croisent et se répondent au cours de compositions aux arrangements somptueux (
Cruel Storm,
Dead Queen). Le sentiment d'harmonie est omniprésent, exemplairement à l'occasion des duos ou des trios de voix (
Children of Stone,
Moon Occults the Sun). Languissantes, chargées de larmes, ces voix, autant celle de Greg Weeks que celle de Meg Baird, participent à faire vivre des ambiances sombres et tragiques.
Parfois plus expérimental et tourmenté (
Widow's Weed),
II témoigne de l'exigence d'un groupe qui ne se satisfait pas des structures trop simples et déjà ouïes et qui prend soin de doter chacune de ses pièces d'atmosphères aussi fortes qu'évanescentes. On apprécie un tel groupe.
Chroniqué par
dfghfgh
le 07/08/2006