Vingt ans après son enregistrement au JazzFest de Berlin, le label Atavistic ressortait
Berlin Djungle du saxophoniste
Peter Brötzmann, édité à l’origine par Free Music Production.
Le temps d’un concert unique, 11 musiciens servirent le fantasme du
Brötzmann Clarinet Project, certains devant laisser leur instrument de prédilection au profit de la clarinette : parmi eux, les saxophonistes
Tony Coe (transfuge de l’orchestre d’
Henry Mancini) et
John Zorn. Au nombre des intervenants, compter aussi
Louis Sclavis,
Toshinori Kondo (trompette),
Johannes Bauer et
Alan Tomlinson (trombones), quand
William Parker et
Tony Oxley assurent la section rythmique.
Et
Brötzmann, bien sûr, qui adresse un clin d’śil à
Dolphy avant de conduire son ensemble le long des deux parties de
What A Day, pièces sans concessions évoluant au gré des emportements : mouvements saccadés, cris, sifflements, pizzicatos de
Parker surpris en pleine transe nihiliste. Espacés, des solos sont ensuite plus à même d’instaurer des pauses obligatoires avant l’unisson ultime et suraigu auquel résiste, seul, le barrissement d’un trombone (
First Part).
L’épreuve est extrême, et la seconde partie nous apprendra que le bout du bout de la fougue bruyante peut encore changer d’allures. Les contraintes presque toutes anéanties, les trombones dressent leurs sirènes plaintives au milieu desquelles
Brötzmann installe au tarogato (saxophone en bois d’origine hongroise) un blues badinant avec la
Rhapsody In Blue de
Gershwin.
Incursion démesurée dans le champ du free jazz et de l’improvisation contestataire,
Berlin Djungle est, en plus, un document d’importance, au générique singulier. Prometteur à l'époque ; confirmé aujourd'hui.
Chroniqué par
Grisli
le 14/06/2006