Se confrontant au pianiste
Marc Chalosse, reconverti dans les musiques électroniques, et à
KèëK, qui remixent tous deux les parties de batterie qu’il leur fournit (respectivement
the insect rhythm of a warm humid night et
and reason corrects the feverish beats), le batteur
Steve Argüelles propose avec
beatBox un ensemble de schémas, de croquis, une épure de recherche rythmique (
and reason corrects the feverish beat), petite boîte magico-rythmique. Pour situer le projet, je me permets de citer les quelques lignes, exemplaires, qui figurent sur le site de
Plush : « Au delà de la texture linéaire généralement attribuée à la batterie, c’est au contraire son potentiel cellulaire qui est mis au service de répétitions, boucles, recyclages à volonté. La batterie devient sample, le sample devient instrument, tous les coups sont permis pour confondre les doubles rythmiques et faire émerger une physicalité nouvelle, des nuances inattendues ». C’est donc bien à un laboratoire du rythme qu’
Argüelles convie ses associés : entrer dans le rythme, l’étendre à un espace, lui donner trois dimensions, voire quatre (celle du traitement des textures), équilibrer le rythme entre mouvement et immobilité, retour sur elles-mêmes des boucles.
Un dépouillement sans minimalisme est à l’œuvre ici : composé presque intégralement à partir de sons percussifs (ou de sons à valeur percussive, même si un violoncelle fait son apparition à la fin),
beatBox fait pourtant preuve de densité sonore : chaque second connaît son lot d’événements sonores, de ruptures et tend à faire de cette album un bel essai de
musique-événement (copyright Will) : une musique en rupture permanente, toujours en attente de surprise, trop dense pour être immédiatement appréhendée, comprise, clarifiée (
the insect rhythm of a warm humid night).
Argüelles raffine pourtant, évite l’esprit de système en creusant ses compositions de ces vides respiratoires dans lesquels le batteur est passé maître (
the drum in my temple) et auxquels il se consacre pleinement avec son projet
Ambitronix. L’enjeu ici est de déconstruire le rythme, de lui opposer des résistances, de complexifier le marquage des temps jusqu’à l’instabilité (
brain ripple), mais aussi de faire de la batterie un matériau complet et complexe pour une musique stimulante (
these are our faithful timekeepers, où le traitement de la batterie devient l’enjeu même de la musique). S’aventurant volontiers sur le terrain d’une drum’n’bass dégagée de tout stéréotype (
breathing – c’est là qu’intervient réellement le travail d’épure),
beatBox se nourrit de ces glissements d’un genre à l’autre, d’une forme à l’autre pour renouveler à chaque volet ses propres perspectives musicales. Et le batteur et ses deux acolytes de proposer avec cette boîte à rythme un élégant art poétique de la percussion.
Chroniqué par
Mathias
le 05/05/2006