Imaginez vous dans un concert de dub, halluciné par les psychotropes ou l'alcool, et incapable de faire le moindre geste. Vous focalisez votre pensée sur votre état, appréhendez chaque minute qui passe comme un pas de plus vers l'heure où vous serez contraint de réanimer vos membres engourdis pour vous sortir d'un décor qui ne fait même pas attention à vous. Votre corps ne répond plus, mais votre esprit vagabonde, s'arrache de temps à autre de son égocentrisme pour capter au vol quelques stimulus auditifs du concert. Votre perception hautement biaisée les inscrit alors dans votre mémoire sous forme de sonorités tanguantes, de voix méphitiques, de clameurs ralenties et lointaines. Vous ne pouvez échapper à l'énorme basse tectonique, dont la puissance est ressentie dans chacun de vos membres à la mesure de votre propre affalement à même le sol. Elle ne cesse de gronder avec entêtement jusqu'à vous en donner le vertige. A l'extrême limite de décrépitude de vos facultés de discernement, luttant pour profiter de vos derniers instants de lucidité avant de sombrer dans un sommeil léthargique, vous vous rapprochez de l'ambiance qui imprègne les compositions de
Vex'D.
Breakbeat massif et oppressant à la
Scorn, épuré, simple mais efficace. Les rythmes martèlent sans rechigner la membrane des enceintes et le caisson de basse est soumis à rude épreuve. Les samples de dub s'induisent d'une déliquescence qui leur confère un côté hautement morbide. Des triturations électriques ponctuelles se déploient comme autant de spasmes sur le corps d'un monstre biomécanique agonisant, grinçant sous le poids de son énorme machinerie faite de pistons et de tuyaux usés. Les sons s'étirent, se reflètent et s'étiolent. Des mouvements saccadés, mais réguliers, hypnotisent l'âme et souffrent de ne pouvoir trouver de fin avant d'avoir déployé jusqu'à la limite du rébarbatif leur schéma.
Une odeur putride, une complainte malsaine, discordante, une bête infâme criant son agonie du fond d'une sinistre caverne, voilà de quoi est fait le monde de
Vex'D : une musique qui se répète et finit par tourner sur elle même, mais qui – vous l'aurez compris – s'apprécie avant tout entre l'émoi et la démence.
Chroniqué par
Tehanor
le 21/04/2006