Asphalt Duchess, décidément pas à court de bonnes idées après la réédition du premier album de
Black Forest / Black Sea, nous propose, pauvres retardataires hexagonaux, de découvrir le premier album du duo folk (pour le dire vite) américain
Grizzly Bear (Edward Droste + Christopher Bear)
Horn Of Plenty, qui se voit flanqué pour l’occasion et comme il se doit (c’est la mode), d’un disque de remixes, et non des moindres : se succèdent ainsi à la barre , entre autres :
Efterklang,
The Soft Pink Truth (aka Drew Daniel, moitié de
Matmos),
Alpha,
Ariel Pink,
Final Fantasy (Owen Pallet, arrangeur de cordes pour
Do Make Say Think,
Arcade Fire entre autres), ou encore
Castanets signé sur le label de
Sufjan Stevens.
L’album d’abord : à l’origine, les morceaux furent conçus et enregistrés par Edward Droste dans la solitude d’une chambre new-yorkaise. Morceaux lo-fi et home-made, étoffés ensuite grâce à la collaboration avec Christopher Bear, venu frotter ces compositions à de nouvelles expérimentations sonores. Si on ne peut s’empêcher de voir parfois se profiler l’ombre portée d'
Animal Collective sur ce disque,
Grizzly Bear trouve cependant sa voie dans l’élaboration d’ambiances résolument sombres et nocturnes. Sur ce
Horn of Plenty, le groupe cultive des velléités de recherche musicale aventureuse (rock, folk, electronica, ambiant..) sans se départir d’un souci mélodique évident, soutenu par le chant fragile de Edward, qui mue parfois, avec l’aide de son acolyte, en harmonies vocales des plus captivantes (ainsi sur
Disappearing Act).
Si l’album s’ouvre sur une teinte Folk/ Rock lo-fi (
Deep Sea Diver,
Don’t Ask), la comptine
Alligator annonce les injections frelatées d’électronique et de sons concrets qui s’attaquent à l’ossature acoustique déjà fragile des morceaux.
Campfire, pas un feu de joie, plutôt un brasier mort sous les étoiles, est une superbe incantation désenchantée, qui hante les esprits pendant longtemps. On pourra toujours siffloter et taper des mains sur
Shift, la mélancolie persiste. Et ce n’est pas le non moins réussi
Disappearing Act (cloches, roulement de batterie, chœurs, guitare) qui change la donne.
La musique de
Grizzly Bear a des allures de rituel folk intimiste au clair de lune tout à fait envoûtant. Harmonies vocales entêtantes, arrangements sur le fil, cette musique nous happe dans sa languissante bizarrerie, ne sacrifiant jamais l'émotion, comme en témoigne
Eavesdropping.
C’est ainsi avec une réelle curiosité que l’on découvre le cd de remixes.
Effterklang ouvre le bal avec une belle relecture féérique de
Campfire. Plus loin,
Soft Pink Truth propose de découvrir
A Good Place sous les traits d’un groove électronique affable. On retiendra parmi les plus réussis le remix de
Eavesdropping par
Simon Bookish . Les vétérans
Alpha s’approprient
Don’t Ask, sans forcer, lui conférant cette douceur cotonneuse très identifiable au groupe anglais.
Don’t Ask a également inspiré
Final Fantasy, pour une esquisse orchestrale réussie, avec cordes et bois. Mais c’est peut-être à
Circlesquare que revient la palme, pour six minutes enchanteresses.
Une envie désormais : puiser à volonté dans cette « corne d’abondance ».
Chroniqué par
Imogen
le 27/03/2006