El Hijo. Derrière ce pseudonyme – qui signifie le fils – se cache Abel Hernandez, chanteur du collectif madrilène
Migala. Un groupe dont la musique oscille entre folk au parfum de Far West et post-rock inventif rappelant
Godspeed You Black Emperor! par certains côtés. Avec
La Piel del Oso, Hernandez signe sa première réalisation sous le nom de
El Hijo, naturellement tournée vers le folk, mais empruntant des directions pop étrangères à l’univers de
Migala.
Evoluant dans un dépouillement subtil, où se répondent guitare espagnole, piano et batterie légère, les compositions d’
El Hijo s’autorisent le plus souvent des virages pop et orchestraux du plus bel effet. Titre d’ouverture,
Esa musica sombria en offre une démonstration idéale. Après une introduction qui rappelle le style d’un groupe comme
Tindersticks, l’instrumentation s’emporte et dicte un rythme de valse inattendu, lancé par un roulement de batterie. Cordes et cuivres en contre-temps propulsent la mélodie dans le voisinage de Neil Hannon et de sa
Divine Comedy, avant de revenir au thème initial. Si le superbe
Un ayer échappe à ce traitement,
Los salvajes fonctionne sur le même type de variations. Moins enjouées, les cordes façonnent à nouveau un écrin baroque et lumineux, sur lequel la voix d’Hernandez décolle pour une fois de sa gravité habituelle, sous l’impulsion d’un chœur discret.
C’est cette voix d’ailleurs qui fait la plus grande force de cette collection de chansons. Entre accents country et poses de crooner à la
Stuart Staples, Abel Hernandez utilise à merveille sa voix de conteur. Sans jamais sur-jouer ni tirer sur la corde du pathos, il habite littéralement sa musique.
Un ayer devient alors un standard nocturne qui esquisse les contours rectilignes et pourtant trompeurs d’une route qui serpente dans le désert. Conscient de la lassitude qui pourrait se dégager à la longue de ses intonations,
El Hijo s’offre les services d’un chœur dès
Los salvajes. Riche idée! Un mariage réussi qui atteint son paroxysme sur l’ultime piste,
El señor de las bestias, entre narration murmurée et chant plus mélodique. Une dualité nouvelle qui épouse parfaitement les variations du morceau, où une trompette désuète esquisse une sonnerie pop éclatante, étouffée à mesure par les cordes, dans un final débridé.
Loin des territoires sombres et complexes de
Migala,
El Hijo prend le parti de s’écarter de la route de l’Ouest pour se mettre en quête du velours enfumé des fauteuils de cabaret. Un choix osé et maîtrisé, qui donne naissance à une collection de chansons voisine de la pop luxueuse des
Tindersticks.
Chroniqué par
Christophe
le 05/01/2006