Collaboration extrêmement attendue entre
Danger Mouse et
MF Doom, ce projet des prodiges avait
a priori tout pour devenir un classique instantané, à l’image de
Madvillainy, mais laisse pourtant son auditeur sur sa faim, impression en demi-teinte moins due à un déficit de qualité (l’album est de bonne facture) qu’à un manque de surprise, une absence de renouvellement des qualités appréciables du producteur et du MC. Où
Danger Mouse et
MF Doom récoltent la rançon d’un talent trop grand à la mesure duquel ils n’ont pas été, pour cette fois, tout à fait capables de se hisser, comme si, aussi doués soient-ils, les deux compères flottaient dans un costume soudain trop grand pour eux.
Et pourtant, ce n’est pas faute d’arguments convaincants. Dès le titre d’ouverture,
El Chupa Nibre, l’esprit de potacherie (voir
Bada Bing) qui semble présider au projet s’avère des plus stimulants, alors qu’une voix cartoonesque vous lance sur un air de comptine «
Why did you buy this album ? I don’t know why you did, you stupid ! » et que le supervillain vante son superflow dans un morceau qui convoque pêle-mêle sample de jazz (vibraphone, flûte easy listening, contrebasse), voix de cartoon, rythmiques boiteuses et souriantes : tout ce qui fait le
MF Doom et le
Danger Mouse des grands jours. Le duo transforme l’essai avec
Sofa King et son violon répétitif que n’aurait pas renié le
John Cale de
Venus in Furs. Ce n’est qu’après cette double déflagration que le projet perd de son souffle, la souris et le masque prenant en plein visage les éclats de la bombe qu’ils ont lancé. Un manque de poivre qui, en définitive, ne rebutera pas les fans de
Doom ou de
Danger Mouse.
Le reste du projet navigue ainsi entre productions funky attendues pour invités de marque (
Ghostface,
Cee-Lo,
Talib Kweli qui lui non plus ne sort pas des sentiers qui sont les siens –
Old School Rules, titre qui semble ironique tant il stigmatise le créneau dans lequel s’installe Kweli sur ce morceau), et mystères sonores minimalistes pour comic books (
No Names,
Basket Case,
Mince Meat) où les boucles de synthés feutrées, les rythmiques chaloupées, les micro-mélodies funk entêtantes qui s’imposent discrètement depuis le fond du mix évoquent une sorte de croisement heureux entre les comics, les films noirs et les films de gangster des années 70 (il suffit d’entendre les couplets de
Doom sur Chinatown dans
Mince Meat pour que se dessinent pêle-mêle, à l’état d’esquisses, une kyrielle de petits récits policiers couleur brique et nuit). Ce sont les productions les plus cinématographiques et bédé-esques qui convainquent le plus, qui parviennent à recréer, à l’intérieur du flux musical, une substance à la fois cinégénique et graphique, univers de bande-dessinée complet en notes de musique. De sorte qu’on peut extraire de
The Mouse and the Mask quelques titres phares (et abandonner les autres) pour se monter son petit film intérieur, avec un générique de la plus belle qualité,
Benzi Box, magnifique chanson découpée dans une soul de la meilleure étoffe. Les jours où
Doom vous décevra, sur cet album ou sur un autre, vous pourrez toujours revenir sur ce titre, et sourire de contentement.
Chroniqué par
Mathias
le 02/01/2006