Ensemble ou séparément,
Chris Liebling et
Speedy-J ont fait exulter les foules dans plusieurs grands évènements techno européens. Ce
Metalism sous la marque
Collabs 3000 fixe l'union de leurs forces de frappe.
Metalism ne se place pas parmi les disques de crossover électronique de ces derniers temps, de ceux qui tentent - avec plus ou moins de réussite - de faire converger l'émotion du songwriting et la pulsation de la dance music. C'est simplement un authentique enregistrement techno, enlevé, compact et frontal.
Aux dernières nouvelles, après avoir touché aussi bien aux sphères de l'IDM que de l'acid tech sur des labels aussi prestigieux que Warp ou Plus 8, le talentueux Hollandais
Speedy-J était redevenu
Loudboxer pour le compte de Novamute, tournant à nouveau ses outils vers l'objectif rave qui lui avait fait commettre des hymnes comme
Pannik ou
Pull-over. Alors qu'il est rejoint dans ses aspirations par
Chris Liebling, on retrouve avec satisfaction sa tendance à torturer les fréquences, à extirper de son studio des textures raclantes, oxydées, désossées, pour les intégrer au sein de patterns lancinantes, dans des scénarios évolutifs.
On ne remarque pas de volonté marquée d'inventer un format, mais bien le travail de créativités réunies dans le cadre défini d'un 4/4 à maintenir et d'un dancefloor à satisfaire, dont l'intention paraît plutôt de faire au mieux avec ces contraintes, d'aller plus loin dans l'exploration des entrailles du son et de leurs effets sur le danseur (laissons le "plus vite et plus fort" aux tenants du speedcore)... Par conséquent, si l'on se souvient de ce qu'a pu signifier "hard techno" en dehors de l'amalgame avec le frenchcore le plus linéaire, on utilisera cette dénomination sans pudeur à propos du cœur de ce
Metalism.
En effet, les morceaux d'entrée,
Lego,
Modish Ride, et l'étonnant, groovy et crunchy
Triflon restent tempérés en dépit de résonances qui fleurent bon les industries pétrochimiques désaffectées. Le "hard" attend son moment. Puis la recherche sonore trouve assez vite ses applications effectives dans l'épaisseur des tracks.
Tunox représente bien la persistance des sonorités propres à
Speedy-J : larsens de chirurgie dissimulés, rafales de souffle machinique, basses saturées qui vous agrippent le thorax. Les constructions usent d'un art savant de la relance, qui donne la sensation de rythmes insatiables, assure la fluidité et crée des moments de catharsis particulièrement intenses (
Acid Trezcore,
Cream 3).
Progressif et massif,
Metalism ne tombe pas dans l'oppression terne façon rouleau-compresseur, grâce à des aménagements qui viennent avec le bon timing, à l'image de ce
Eventide, break ambient judicieusement placé, qui prépare à une rechute solidement appuyée mais qui continue de ménager un espace mental prenant (
Lava, et le brainwashing atmosphérique
Assault). L'extrait live
Trikco, fougueuse galopade, striée d'ondes électriques malmenées et cadencée d'échos dub, s'achève avec l'album et les réactions d'un public euphorique.
Bien qu'il dépense expérience, énergie et technicité à fabriquer une techno radicale, le projet
Collabs 3000 n'a pas mis au jour des anthems indiscutables. Happé par l'hégémonie de l'électronique qui se confond dans le champ des musiques pop, on a parfois tendance à oublier une certaine urgence techno fondamentale ; elle est ici réactivée par deux producteurs en pleine possession de leurs moyens, et même si
Metalism n'atteint pas réellement une dimension inédite dans son genre, c'est salutaire.
Chroniqué par
Guillaume
le 26/12/2005